Eau : va-t-on sacrifier 6 500 hectares ?
En attendant la décision du tribunal administratif sous quinzaine, l’agriculture de la vallée de la Têt est sous le choc de la teneur des conclusions du rapporteur du Tribunal qui donne raison à France Nature Environnement. Avis de gros temps.
C’est un peu comme un coup de poignard dans le dos. L’avis du rapporteur du Tribunal administratif de Montpellier rendu hier 15 novembre qui donne raison aux demandes de France Nature Environnement face à l’État inquiète lourdement dans la vallée de la Têt. « On a vu ce qui s’est passé pour les procès contre les arrêtés de débit sur le Tech, le rapporteur avait aussi conclu en faveur de l’association et il est rare que le Tribunal aille contre cet avis » se désole David Massot, arboriculteur (notre photo), qui se prépare déjà au coup d’après. En jeu, les arrêtés fixant les débits minimaux de la Têt en période d’étiage. Établis à 1 200 litres secondes, ils font l’objet d’une dérogation permettant de descendre à 600 litres secondes pendant les périodes sèches.
1 500 litres
Devant le tribunal, France Nature Environnement demande l’annulation des dérogations et que le débit soit porté à 1 500 litres secondes, au minimum. Un débit probablement proche de ce qu’il pouvait être avant les canaux, avant les barrages, dans des temps plus humides ? On n’en sait pas grand-chose. « On a l’impression qu’on veut nous renvoyer à la préhistoire » juge Sandrine Jaffard à l’Union des canaux. L’application d’un tel débit concerne directement la totalité des canaux à l’aval d’Ille, dont les principaux, Ille, Thuir, Perpignan, Néfiach, Millas, et par solidarité, celui de Corbère dont la prise d’eau est au barrage de Vinça « À 1 500 litres/seconde, cela nous met dans la même situation que le Tech avec l’obligation d’organiser des tours d’eau et de couper complètement l’alimentation plusieurs jours de suite, ce n’est pas compatible avec les systèmes d’irrigation sous pression, soit la bagatelle de 6 500 hectares… » ajoute-t-elle. « Les systèmes de goutte à goutte sont faits pour moins consommer d’eau, mais il faut arroser un peu tous les jours… Si on coupe l’alimentation deux ou trois jours, les stations de pompage s’encrassent et tombent en panne » justifie David Massot.
C’est à l’État de faire appel
Où la pilule passe encore plus mal c’est que le rapporteur joue, selon Sandrine Jaffard, sur la question de l’eau potable qui serait en concurrence avec les usages agricoles. « C’est incompréhensible parce que le canal de Corbère joue un rôle majeur sur cette question justement pour la nappe qui alimente Bouleternère, Saint-Miche de Llotes et Corbère en alimentant le Boulès. Même l’État avait accepté de rédiger un courrier l’an dernier pour reconnaître cet apport. » Sans oublier les efforts spontanés fait cet été pour limiter au possible les prélèvements en restant entre 20 à 30 % sous les débits autorisés… Le jugement sera connu d’ici une quinzaine de jours. Et ensuite ? L’État aura la possibilité de faire appel puisque ce sont ses arrêtés qui sont attaqués. « Nous pouvons aussi faire appel mais c’est une démarche qui a peu de chance d’aboutir si elle est portée par nous » souligne Sandrine Jaffard. La balle est donc dans le camp du Préfet. Une réunion est prévue à ce sujet dans une semaine.
Mais reste une question. Pour quoi s’acharner contre un système qui permet justement déjà de faire des économies importantes et d’assurer la production de richesses dans la plaine du Roussillon ?
Avant de commenter à tort et à travers, vous pouvez relire notre récente série sur cette problématique pour en comprendre les tenants et les aboutissants.
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