Eau : 2022 ou la preuve par 9 [par Yann Kerveno]

Cette année de sécheresse exceptionnelle aura mis en lumière le rôle essentiel des retenues d’eau. En aval du barrage sur l’Agly, dans la vallée de la Têt, l’été n’a pas été exempt de tension mais les cultures ont pu être irriguées avec parcimonie. Ailleurs… Première plongée dans le dossier de la décennie.

Sur le bassin de la Têt, l’année sera passée, finalement, sans trop d’encombres. Par la grâce du bon taux de remplissage des barrages des Bouillouses, pour alimenter les canaux en amont de la retenue de Vinça, et de ce dernier pour les principaux canaux du département à l’aval. “Les irriguants ont changé de tactique cette année” précise Sandrine Jaffard qui dirige l’association des canaux. “Contrairement aux années passées, ils ont préféré ne pas se poser des restrictions à l’ouverture des canaux, le 17 juin cette année, pour privilégier le début de saison et ne pas pénaliser les vergers. La végétation étant en avance, et grâce à l’orage du 17 août qui a remis un million de mètres cubes dans le réservoir de Vinça, on pourra dire que l’année s’est passée correctement.”
Le mois d’août n’aura toutefois pas été exempt de tensions. Si le plan de gestion impose un débit minimum de 600 litres par seconde, les canaux font en sorte que les prélèvements laissent 1 200 litres secondes. Mais les arrêtés sécheresse ont toutefois fini par tomber début août.

Vive pression

“Le décalage entre le débit entrant dans le barrage, tombé à 2 mètres cubes/seconde à cause de la sécheresse et le sortant, 7 mètres cubes, était devenu trop important. Ces arrêtés nous imposent de réduire nos prélèvements de 25 % mais nous sommes allés jusqu’à – 27 % sans trop de conséquences pour les cultures. Ce qui a permis de rester encore au-dessus du débit réservé puisque nous avons laissé 800 litres/seconde dans la rivière…” Bien que la pression fût alors forte en comité pour que le débit reste à 1 200 litres… Une fois le barrage de Vinça vide, c’est celui des Bouillouses, il comptait encore 13 millions de mètres cubes à la fin août, qui assurera le maintient d’étiage et l’approvisionnement des canaux en amont (Prades, Bohère, Marquixane). De quoi finir la saison d’irrigation sans problème, à moins que la pression de l’État sur la SHEM se fasse plus grande dans le but d’économiser l’eau pour pouvoir turbiner cet hiver afin de produire de… l’électricité. Voilà qu’entre, dans le département au moins, une convoitise nouvelle…

Le casse-tête du Tech

Les irriguants de la vallée du Tech ont eux été obligés de tirer sur la corde pour ne pas basculer en situation de crise lors des comités sécheresse. Situation de crise qui aurait mis un terme à toute irrigation. “Comme nous n’avons pas de réserves, c’est toujours compliqué pour les irrigants qui dépendent du Tech” précise Christian Jean-Pierre, président de l’association des canaux de la vallée du Tech qui fédère les Associations autorisées (ASA) du secteur.
Situation d’autant plus compliquée que le manque d’eau a tendance à alimenter les rancœurs et les jalousies puisque, sans réserve, les irrigants de l’amont ont plus de chance d’être correctement servis que ceux de l’aval. “Mais cette année, nous sommes parvenus à mieux discuter entre nous” assure le président. “Cela nous a permis, lorsque nous sommes passés en alerte renforcée, d’aller au-delà de ce qui était requis, c’est-à-dire de réduire de 50 % nos prélèvements pour atteindre 60 % et maintenir l’irrigation jusqu’au bout de la saison. Tout le monde a fait des efforts et cela ne s’est pas trop mal passé, même si quelques secteurs, Ortaffa par exemple, ont eu plus de mal… Nous ne pouvions nous permettre de passer en situation de crise, parce qu’il restait des cultures à irriguer et que, même si les récoltes sont terminées, les arbres ont besoin d’eau pour constituer les réserves pour la saison suivante.”

Indispensables stockages

Si les agriculteurs ont fait le dos rond, il souligne que les particuliers ont plus de mal à accepter les restrictions. “Cette situation est liée au fait que nous n’avons pas de stockage dans la vallée. Sous prétexte que le haut Vallespir est plus arrosé, enfin, était plus arrosé, le fleuve n’a jamais été équipé. Il faut le faire maintenant, il y a plein de solutions avec des petites retenues de type collinaire, la loi sur l’eau ne l’interdit pas, mais nous ne sommes pas écoutés. Tant que nous n’aurons pas de retenues, il y aura toujours des périodes de crise” conclut-il. Reste maintenant à connaître (facile à deviner ?) la position des associations écologistes face à ces éventuels projets, elles, si promptes à attaquer les décrets de l’État fixant les débits réservés parce qu’elles les trouvent insuffisants.
(Suite).

2 réflexions sur “Eau : 2022 ou la preuve par 9 [par Yann Kerveno]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *