Finalement God ne l’a pas sauvée [par Jean-Marc Majeau]
Bien avant ma naissance, elle sévissait déjà ! Avec ses robes rose fuchsia, vert pomme ou jaune spaghetti, ses chapeaux à plumes impayables, son immuable petit sac à main et ses chaussures vernies, que sa couturière devait étrenner pour lui éviter les ampoules, j’avais fini par me persuader que cette Reine était immortelle… Malgré quelques doutes scientifiques, cette abnégation qu’avaient les Anglais à entonner leur “God save the queen” m’aurait presque convaincu de l’efficacité de la protection divine ! Et bien non ! Malgré les incantations, mamy a fini par passer “l’arme à gauche” ! Pour tout vous dire, je m’en fiche un peu…
Les péripéties anglaises m’indiffèrent totalement. Je dirai même mieux : elles m’emmerdent copieusement ! À bien y réfléchir, je crois que je hais les Britishs ! Je n’aime pas le pudding, je déteste la viande bouillie et le “fish and chips”, j’abhorre les haricots et les pickles au petit déjeuner et je ne supporte pas cette manie qu’ils ont de conduire à gauche et de postillonner quand ils parlent. Et je les exècre encore plus quand ils jouent au rugby ! Alors, comme dirait notre cher président : qu’ils aient perdu leur Reine m’en touche une sans faire bouger l’autre !
Il semble, malgré tout, que je sois le seul à rester de marbre. Depuis huit jours, la presse unanime salue la défunte, tisse des lauriers à sa royale famille, mais ne s’offusque jamais d’un comportement anachronique, d’un style de vie archaïque et de privilèges indécents. Les “frigos” des journalistes étaient déjà pleins pour cette nouvelle attendue. Les voici qui se vident et se déchainent. Sans un mot de critique ! Nous aurons donc droit, tant que la dépouille restera encore tiède, à la biographie larmoyante d’Elisabeth, à celle de Charles et de ses proches, aux récits des allers et venues d’une clique d’aristocrates gavés par les impôts des Rosbeefs royalistes. Nous serons gavés d’images de ces vieux nobliaux décatis et de ces duchesses de pacotille, saprophytes vivant de leurs rentes dans des palais cossus, sans aucun respect, ni pour les autres, ni pour la planète, ni, probablement, pour eux même !
Seul Léon Zitrone manquera à l’appel
Nos gouvernants éplorés nous gratifieront d’hommages convenus et d’anecdotes remarquables, tout en jouant des coudes pour être au premier rang sur la photo, voire pour tenir le micro à la tribune officielle, comme si l’évènement avait, à l’heure actuelle, la moindre importance ! Seul Léon Zitrone manquera à l’appel ! L’hymne national verra son texte modifié, afin de demander au Tout Puissant de bien vouloir, dorénavant, “sauver le Roi”. Comme quoi, au royaume du pancake, on ne change pas une équipe qui perd ! Plus symptomatique de la connerie ambiante, il fallait, officiellement, prévenir les abeilles de Buckingham du décès de la Reine. L’apiculteur royal, John Chappel, a été chargé de mettre les cinq ruches en berne et de parler aux hyménoptères pour leur annoncer la triste nouvelle, les enjoignant, malgré leur chagrin, à continuer de produire du miel pour leur nouveau souverain ! Oui, amis lecteurs : à Londres, il y a un péquin payé pour faire ce boulot-là ! Et certainement un autre qui parle aux cygnes, aux baleines et aux œufs d’esturgeons, puisque Charles III est devenu le roi de ces trois espèces animales ! C’est pour le cas où le caviar deviendrait aigre en troquant sa vision des chapeaux de la princesse contre celle du kilt en tartan du nouveau prince !
Sans déconner ! N’a-t-on pas de choses plus importantes à faire qu’à cautionner ces âneries ? Sans regretter les coupeurs de tête de la Révolution française, je trouve indécent qu’un septuagénaire qui n’a jamais rien fait d’autre que d’alimenter la chronique sentimentale des tabloïds, puisse hériter de 28 milliards de fortune sans que quiconque n’émette la moindre réserve. Je vous rappelle, à toutes fins utiles, que nous sortons de deux ans de privations de liberté et d’abandon des séniors, que des gens fuyant la famine se noient à nos portes, que nous subissons une inflation record, habilement attribuée à une guerre commerciale aux portes de l’Europe et que nous sommes officiellement prévenus du fait que l’abondance est désormais terminée… À priori : pas partout !