Chais : bien concevoir pour faire plus économe [par Yann Kerveno]
La journée technique organisée par le congrès des œnologues de France le 9 juin prochain s’attardera sur les multiples questionnements de l’œnologie verte, à la vigne ou au chai.
De chai, justement, c’est ce dont il sera question avec Nicolas Dornier. Son cabinet SICOE construit des chais un peu partout en France et aussi à l’étranger, en intégrant ce souci particulier de la responsabilité écologique. “Il y a plusieurs questions à se poser quand on a un projet de chai aujourd’hui si l’on veut être performant et responsable sur le plan écologique” explique-t-il dans le chai du domaine qu’il a créé à Maury, le Clos de vins d’Amour. “Et il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas de solution miracle, mais plutôt l’empilement de petits gestes, de petites décisions.”
La première, celle par laquelle il entame son énumération et si l’on veut se placer dans une logique de développement durable, c’est d’abord de regarder, quand les bâtiments existent, s’il est possible de les réhabiliter avant de construire à côté. La seconde, c’est l’optimisation, ne pas construire pour avoir des surfaces non utilisées… Vient ensuite la question, cruciale, de l’implantation du bâtiment. “Là, il faut regarder s’il est possible de protéger le bâtiment du soleil, du vent, s’il est possible de l’enterrer en partie en jouant éventuellement avec la pente. Si le soleil est nécessaire à la vigne, il est plutôt un ennemi pour le chai, c’est très valable pour la façade méditerranéenne mais aussi pour le reste du pays” précise-t-il. L’enjeu, c’est naturellement la consommation d’énergie autour de laquelle tourne finalement tout le processus de conception du chai.
Eau, électricité…
“Le vin n’aime pas le chaud, il faut en contrôler la température pendant la vinification avec du froid, puis le tenir à température constante pendant le vieillissement” ajoute Nicolas Dornier. C’est pour cela que la question énergétique, tout comme celle de l’eau dont les chais sont de grands consommateurs, est primordiale aujourd’hui. “Pour l’énergie, on peut déjà travailler sur l’inertie du bâtiment avec une bonne isolation pour en limiter la consommation. Pour l’électricité, on peut s’appuyer sur du photovoltaïque pour produire une partie de sa consommation. C’est d’autant plus pertinent que les forts besoins en froid sont au moment où il y a le plus de soleil, donc de potentiel de production. Mais on peut aussi mettre en place des systèmes de récupération d’énergie sur des groupes de froid ou des pompes à chaleur pour produire de l’eau chaude sanitaire” propose-t-il.
L’eau, justement, deuxième point de tension à prendre en compte. “Il faut penser toutes les économies imaginables, avoir des sols et une cuverie facilement nettoyables, utiliser des eaux chaudes ou surpressées qui ont une action plus efficace, utiliser les eaux de toitures, voire, j’espère que la législation européenne va évoluer favorablement en juin, permettre le réemploi des eaux usées et traitées des chais.”
Coût vs bénéfice
Voilà pour le cadre idéal de la réflexion à avoir. Mais dans la réalité ? “Dans les chais comme dans les logements, il y a encore trop de bâtiments qui sont des passoires thermiques et c’est un handicap à l’heure où les vignerons peuvent se servir du froid pour compenser la réduction d’utilisation des produits phytosanitaires à la vigne. C’est difficile à faire dans un bâtiment ancien non adapté.”
Et le coût ? “C’est un paramètre important, je dirai en moyenne qu’il faut compter 15 à 20 % de surcoût par rapport à une construction classique. Mais toute la réflexion à avoir, c’est une espèce de balance coût/bénéfice classique entre le montant de l’investissement de départ et les économies qui seront réalisées ensuite. L’investissement dans une ligne d’embouteillage se raisonne sur cinq ou six ans, celui d’une cuverie sur une quinzaine d’années, il faut projeter celui du bâtiment sur des dizaines d’années.”
Il estime toutefois que ces approches vont vite s’imposer dans le milieu viticole en raison des augmentations du prix de l’énergie et celle, encore à venir, du prix de l’eau. De quoi plaider pour une approche globale. “Il existe différents labels, haute qualité environnementale, BREM, LEED par exemple, que certaines entreprises vont viser. Il n’est pas forcément utile d’aller jusqu’à la certification mais on peut s’inspirer de ces cahiers des charges quand on réfléchit à son projet.”
Une foule de challengesCheville ouvrière de la journée technique, l’œnologue Isabelle Cutzach-Billard estime que le métier d’œnologue est aujourd’hui confronté, comme celui de vignerons, à des évolutions très sensibles et rapides. “Il y a l’émergence d’une foule de nouveaux produits, en particulier chez les plus jeunes vignerons qui veulent se démarquer, on voit de plus en plus de vins oranges, des vendanges tardives, des petnats, c’est intéressant parce que cela nous amène à reprendre pas mal de choses, dont la microbiologie.” Le changement climatique est aussi un challenge en cela qu’il modifie sensiblement la qualité des moûts et en complexifie le travail. Des moûts qu’il faut ensuite faire coller à une demande en évolution permanente, comme cette tendance, en Roussillon, à revenir vers des rosés plus foncés, moins dans la couleur provençale. Mais ce n’est pas tout, la liste des challenges est longue pour les œnologues ! “Nous sommes aussi contraints par les aspects économiques pour maintenir les coûts de production, les questions nouvelles, découlant des nouvelles formes de vinification, qui se posent pour le stockage et la conservation des vins…” |