Vente de parcelles agricoles : drôle de loi [par Yann Kerveno]

Une passe d’arme oppose le monde agricole des Pyrénées-Orientales avec le ministère de l’Agriculture. En cause, l’application, “sans discernement” d’une loi dans la vente d’une parcelle de vigne… Plongée dans une histoire pas banale.

À l’origine de cette embrouille, il y a une parcelle de vigne, assez récente, irriguée, cinq hectares, du côté de Villelongue del Monts. Une parcelle conduite en bio, retenez cela, c’est la clé du suspense. Comme cela arrive, le propriétaire de la parcelle souhaite s’en défaire pour préparer son départ à la retraite. La vente est donc confiée à la SAFER des Pyrénées-Orientales qui lance un appel à candidature et reçoit deux propositions. La première émane d’un autre vigneron du secteur qui souhaite consolider l’installation de son fils avec cet apport de foncier, qui sortira de la certification bio pour passer en HVE. La seconde émane de la foncière Terre de Liens, qui souhaite en faire l’acquisition pour installer un éleveur et y implanter des prairies bios.

C’est maintenant qu’il faut être attentif. N’importe qui d’un peu sensé se dirait alors qu’il serait dommage d’arracher cette vigne, qui a coûté au bas mot 25 000 euros l’hectare, pour y mettre des pâtures, d’autant que l’irrigation n’est pas accessible autrement qu’en goutte à goutte, donc inopérante pour une prairie. Surtout, en plus, à 2 € le mètre carré, vous avez bien lu, ça fait cher pour arracher une vigne et y implanter de l’herbe…

Fin de non-recevoir du ministère

Soit, selon la procédure, le dossier est étudié par la commission de petit pays de la SAFER qui vote assez logiquement, Confédération paysanne comprise, pour la vente au vigneron. Le comité technique suivant entérine la décision. Mais c’est là que l’on rentre dans l’absurde. “La loi implique de privilégier la bio, donc le commissaire du gouvernement s’oppose à cette décision” explique Denis Basserie, président de la SAFER 66. Après discussion, un deuxième comité technique est organisé, en juin dernier, qui confirme comme à la première fois à la quasi-unanimité, la décision de confier les terres au vigneron et non à l’éleveur. Tenu par la loi, le commissaire du gouvernement s’oppose une seconde fois et transmet le dossier au ministère qui ne tarde pas à confirmer qu’il faut appliquer la loi et confier les terres à l’éleveur… Laissant la SAFER démunie pour faire appliquer sa décision.

Préserver le vignoble

Depuis, les téléphones et les mails ont chauffé, il semblerait qu’un compromis ait été trouvé, Terres de Liens étant décidé à dénicher un vigneron bio pour exploiter la vigne et qui ensemencerait les rangs pour permettre le pâturage des animaux de l’éleveur.
Mais subsistent plusieurs questions que pose Denis Basserie. “Ce qui est consternant, c’est que la loi est appliquée bêtement, sans discernement, alors que localement, tout le monde était d’accord pour que cette vigne aille au vigneron, quitte à ce qu’elle quitte le giron de la bio” détaille-t-il. “Nous n’avons pas enregistré une seule installation de vigneron depuis le début de l’année, la superficie du vignoble a été divisée par deux. Pour nous, il semble aujourd’hui important de préserver les surfaces de vignoble, plus que de continuer à développer la bio.”

Un secteur, le vin bio, dont tout le monde prédit un engorgement très rapide dans les mois qui viennent, avec une foule de conversions qui arrivent à terme cette année… Il n’est pas anodin d’ailleurs qu’aucun vigneron bio du secteur ait répondu à l’appel à candidature.

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