Tous caissiers et tous dupés ! [par Liliane Doger-Ledieu]

C’est sûr qu’avec un kilo de farine dans une main et une bouteille d’eau de javel dans l’autre, je fais un peu tache dans la file d’attente à la caisse. Combien de fois en d’autres occasions identiques me suis-je entendu dire : “Vous pouvez aller aux caisses automatiques, vous n’attendrez pas.” Venant du chaland devant moi j’aurais préféré : “Vous n’avez que ça ? Passez devant si vous voulez”. Non que cette aimable proposition n’arrive jamais mais disons qu’elle se produit dans environ vingt pour cent des cas. Et inversement pour les adeptes des caisses robotisées, quatre-vingt pour cent. C’est curieux comme on tombe toujours sur ce ratio 80, 20 dans à peu près tous les domaines de l’actualité…

Mesdames et Messieurs les quatre-vingt pour cent, désolée mais aucun argument ne sera recevable de ma part s’agissant du bienfait des caisses automatiques. La raison première, évidente, étant l’impact de la robotisation sur l’emploi. La multiplication du remplacement des personnes par des machines va conduire à une explosion du chômage. Sans oublier bien évidemment la suppression des charges sociales salariales dues à l’État payées par les salariés et leurs employeurs. Que je sache, les robots n’y sont pas assujettis. Encore un métier en voie de disparition, toujours pour le profit, toujours pour les mêmes.
Pour ce qui est des conditions de travail, les seuls employés naufragés préposés aux caisses automatiques sont contraints à une disponibilité stressante, sollicités par plusieurs clients à la fois pour une aide ou agressés lorsque la caisse ne fonctionne pas. Et que dire de la relation souvent sympathique client-caissière ! Elle n’est pas seulement modifiée, elle est carrément inversée. Les contacts sont limités, les hôtesses de caisse n’interviennent plus que pour contrôler ou régler un problème de panne. Les échanges avenants et agréables sont transformés en conflits de plus en plus fréquents et virulents. Il est facile d’observer la différence de comportement entre les caissières encore en poste, avec qui on échange volontiers quelques mots, et les hôtesses dont le rôle consiste à assister et même “former” les clients à l’usage des automates. Elles orientent, elles interviennent en cas de dysfonctionnement et surtout, elles surveillent.

Le coup du ticket de caisse

Autre chose, Mesdames et Messieurs les quatre-vingt pour cent, êtes-vous vous-même caissiers ou souhaitez-vous le devenir contre un salaire pour le temps passé à scanner vos articles, ou à minima une réduction sur lesdits articles ? Non ? C’est dommage parce que le salaire des caissières est compris dans le montant de vos achats. Il serait donc normal que vous soyez dédommagés. Non, non, vous ne me tirerez pas une larme en arguant qu’il faut bien rentabiliser cette nouvelle technologie. Avec un seul salaire pour une hôtesse qui gère sept ou huit automates sur lesquels vous vous appliquez gratuitement, le robot est amorti le temps de faire ouf. C’est tout bénef tout de suite !
Coluche disait à propos de certains produits : “Dire qu’il suffirait que les gens ne les achètent pas pour qu’ils ne se vendent pas.” Idem pour les caisses automatiques. Il suffirait que personne ne les utilise…

Autre sujet, autre débat : à la question “Vous voulez le ticket ?”, je réponds “Bien sûr !”. La disparition du ticket de caisse est imminente, ce n’est pas un poisson, c’est pour le 1er avril de cette année. Et je vous le donne en mille, c’est pour “protéger la planète” ! (Expression qu’on nous sert à toutes les sauces et qui commence vraiment à me sortir par les trous de nez). Mais ne vous inquiétez pas, les enseignes, si vous leur donnez vos coordonnées (un peu gros non ?) vous enverront le ticson par mail. Sympa. Je passe sur les problèmes facilement prévisibles lorsqu’il faudra prouver un achat pour se prévaloir des garanties, ou se faire rembourser par exemple en cas de rappel d’un produit alimentaire. D’après certains spécialistes que j’aurais tendance à croire : “Les émissions de gaz à effet de serre du ticket dématérialisé sont supérieures à celles du ticket traditionnel”. Il est où le bénéfice écologique ?

Et pour finir, je paye en espèces parce que, entre autres raisons, personne n’a besoin de savoir, et surtout pas mon banquier, ce que j’achète ni où. Forme tellement efficace de résistance à tout ce que l’on veut nous imposer si elle était suivie par une majorité d’acheteurs.

2 réflexions sur “Tous caissiers et tous dupés ! [par Liliane Doger-Ledieu]

  • 17 mars 2023 à 4 h 25 min
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    BRAVO!!!,
    Je pensais être le seul à raisonner ainsi, tout est dit, la non cotisation des automates, la disparition des tickets de caisse et donc du contrôle immédiat des prix, le paiement en espèces, dont le taux carbone est largement inférieur aux règlements numérique, et générateur d’échanges.
    MERCI , MERCI, MERCI.

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  • 20 mars 2023 à 8 h 40 min
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    Un jour où j’vais que deux ou trois articles, la personne devant moi me dit”Pourquoi ne pas aller aux caisses automatiques?” Désolé, je ne travaille pas ici lui- ai-je répondu. La discussion se prolongea et les personnes qui faisaient la queue ont reconnu que pour cinq caisses automatiques, une seule personne

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