Le chat, le renard, le rat, le paysan et le journaliste écolo [par J-M Majeau]

C’est une question existentielle ! Pourquoi les félidés se lèchent-ils le fondement ? D’aucun me répondront, non sans un certain à propos, que s’ils le font, c’est juste parce qu’ils le peuvent. Et que, si Dieu avait consenti à nous donner cette souplesse, il est probable que cela aurait évité à certains d’entre nous les déchainements inhérents aux soirées “chemsex”. Et, en corollaire, prévenu les accidents de la route ! Et bien non : cette manie ancestrale du cunnilingus chez les canidés et les félins, n’a aucune connotation ludique. Je vais donc revêtir ma casquette de “trouduculologue” diplomé, pour vous expliquer ce phénomène.

Outre leur enviable souplesse, ces animaux souffrent fréquemment de ce que l’on appelle un prurit anal rebelle, dont l’origine se situe dans la propension de leur tube digestif à héberger un nombre considérable de parasites. Ces vers, ayant trouvé gite et couvert au milieu des villosités intestinales, pondent des œufs qui transitent ensuite, sous la forme de larves… Jusqu’à l’orifice de sortie. Cette agitation locale devient alors irritante et incite le propriétaire dudit orifice à procéder, par automédication naturelle, à l’apaisement local. Faute de mieux, il utilise sa langue, qui, suavement, recueille les larves. Ainsi, tandis qu’une partie retourne, pour y devenir adulte, dans le tube digestif de l’impétrant, une autre partie, présente dans les déjections du “lécheur” mais aussi dans sa salive, contamine la proximité et le territoire de celui-ci. Qui n’a pas vu un chat utiliser ses pattes enduites de salive pour se nettoyer nonchalamment l’arrière des oreilles ? C’est signe de pluie dit-on. C’est surtout le signe que vous risquez de vous contaminer en caressant cette petite tête qui ronronne sur vos genoux, le soir, devant votre télévision. Ainsi, vous deviendrez, à vos dépends, un “hôte intermédiaire accidentel” et hébergerez à votre tour le parasite. À ce stade du récit, je sens que vous vous posez la question de savoir quel est l’intérêt de traiter de ce sujet dans une revue agricole : j’y viens.

Entendre, aujourd’hui, que la réintroduction du renard comme auxiliaire agricole, serait une voie agro-écologique me fait sourire

Vous entendez, depuis peu, nos écologistes nationaux, relayés par la voix de journalistes célèbres, évoquer le problème de la prolifération des rats taupiers dans nos prairies. Ces influenceurs, viscéralement opposés à l’utilisation d’un quelconque produit chimique de régulation, mais ignorants tout des pratiques agricoles, ne sont jamais à cours de solutions innovantes. Ils préconisent donc, aujourd’hui, la réintroduction du renard, prédateur reconnu de toute espèce de rongeurs et, par voie de conséquence, solution ultime à la prolifération des gaspards.

Revenons-en maintenant au trou du cul initial. Il se trouve que le renard est l’hôte préférentiel d’une forme de ténia particulièrement résistant, l’échinococcus multilocularis, cestode de 4 mm, dont les œufs enveloppés résistent à des températures extrêmes, de – 40° à + 60°. Dans ses déjections, l’ami goupil dépose les larves dans les cultures, les fruits des bois et l’herbe des champs. Ainsi se contaminent les paysans, les cueilleurs de champignons, les consommateurs de myrtilles et de fraises sauvages. Certains développent alors une maladie gravissime : l’échinococcose alvéolaire hépatique, que l’on découvre tardivement, au stade de complications souvent mortelles. L’abattage des renards n’étant une option ni envisageable, ni réaliste, on a, dans les lieux où cette zoonose était endémique, préconisé quelques mesures préventives (clôturage, non consommation des baies sauvages, lavages des mains…) toujours difficiles à mettre en œuvre. On a aussi, notamment en Allemagne, envisagé le parachutage d’aliments piégés contenant un antiparasitaire chimique (non toxique) à destination des canidés : le Praziquantel. Les difficultés techniques ont fait y renoncer. Seule la régulation des populations sauvages avait été jugée possible.

Entendre, aujourd’hui, que la réintroduction du renard comme auxiliaire agricole, serait une voie agro-écologique me fait sourire. Elle procède d’une analyse simpliste de la situation : la régulation naturelle. Plus de renards, moins de rats. Moins de rats, moins de nourriture pour les renards. Moins de nourriture pour les renards, moins de renards ! C’est comme la naturopathie : c’est tellement beau qu’on finirait par y croire ! Si ce n’était pas dramatique, j’aurais envie de vous dire : en écoutant Hugo Clément, vous n’avez pas fini de vous gratter le cul !

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