Sécheresse. L’élevage aussi au bord de la catastrophe

Si la tension est à son comble dans les plaines pour les productions végétales, le monde de l’élevage est lui aussi sur la corde raide.

Éleveur en Cerdagne, Christian Tallant est actuellement dans le… Tarn. Parti prêté la main à son frère, éleveur installé là-bas, il compte bien ramener quelques dizaines de balles de foin… « C’est une catastrophe, il n’y a pas d’autre mot » répond-il quand il s’agit de décrire la situation dans les hauts cantons. « Il n’y a rien et on ne voit rien venir. Les orges font 15 centimètres et ont épié, on ne pourra pas les récolter. Les méteils ? C’est pareil, d’habitude ils font entre 80 centimètres et 1,2 mètre, là ils ne dépassent pas 10 à 15 centimètres… Sur les prairies naturelles il n’y a rien du tout. » Sur son exploitation, 300 hectares, avec un troupeau de 330 ovins et 220 bovins, il a besoin de 700 tonnes de fourrages par an… « D’habitude je produis environ 2 800 boules de 300 kg par an, l’an dernier j’en ai fait à peine 1 200. Et cette année, il n’y a pas d’eau, les températures sont trop basses, je suis encore en train d’affourager alors que d’habitude les animaux sont sortis à la fin avril. » Et puisque la coupe n’est pas assez pleine, des questions se posent aussi pour les estives.

Longue liste

Chef du service élevage de la Chambre d’agriculture, Emmanuel Leroy dresse la liste des murs à franchir pour l’élevage départemental dans les prochaines semaines. « Pour les foins, on sait qu’il n’y aura rien dans la plaine, pour le Conflent et le Fenouillèdes la situation devient très très tendue, en Cerdagne les vesces crèvent. Les éleveurs sont aussi confrontés à des problèmes d’abreuvement, dans les élevages ou dans les estives pour cet été. » À Baillestavy, Jean-Claude Coulet est déjà entré dans le dur. Sur les trois sources qui coulent habituellement chez lui, une seule continue de donner et permet d’alimenter le mas et les animaux. Pour l’instant. Et ce malgré les trois épisodes de neige de l’hiver qui ont amené 70 centimètres puis deux fois 40 centimètres. « Mais c’était une neige très froide, donc elle a donné assez peu d’eau. » Plus haut en montagne Certaines zones traditionnellement pauvres en eau risque d’être à sec. C’est le cas des estives calées sur la crête frontière entre la zone du Puigmal et le Canigou.

Évaluer les difficultés d’abreuvement

« Nous sommes en train d’étudier la question pour voir comment on peut améliorer la situation dans ces estives pour stocker ou développer les capacités d’abreuvement en nous appuyant en particulier sur l’aide annoncée par la région » ajoute Emmanuel Leroy. Si l’on peut imaginer limiter la casse pour l’accès à l’eau de boisson, pour les fourrages c’est donc bien plus tendu. Quand bien même pleuvrait-il maintenant que l’année est probablement déjà fichue. « La première coupe permet d’engranger facilement les deux tiers des stocks. Même s’il y a une pousse cet été, elle ne sera pas suffisante » poursuit-il. Une situation qui a des incidences non négligeables sur la PAC en raison de la destruction potentielle des cultures. « Notre premier souci aujourd’hui c’est de sécuriser l’accès des éleveurs aux aides de la PAC pour qu’ils puissent avoir accès à une trésorerie suffisante pour acheter du foin. Toute l’économie de nos élevages est basée sur la transhumance, nourrir les animaux avec du foin coûte 10 à 15 fois plus cher que de les amener en estive… » À condition de trouver du foin.

Décapitaliser pour tenir le coup ?

« Tout le pays sort d’une grosse sécheresse qui a vidé les stocks, il est donc probable que dans les autres régions où il pleut en ce moment, une partie de la récolte soit consacrée à les reconstituer… » Et pas question pour le coup de trop compter sur l’Espagne en raison de la sécheresse. C’est précisément ce que fait Christian Tallant dans le Tarn où la pousse d’herbe est correcte. « Je donne un coup de main à mon frère et j’espère pouvoir ramener, c’est un échange, 300 balles de foin sec. Mais cela ne réglera rien. Quand je dis que j’ai besoin de 700 tonnes de foin, c’est pour passer l’hiver. S’il n’y a rien dans les estives, mes besoins vont passer à 1 200 ou 1 300 tonnes » calcule l’éleveur cerdan. « Alors, on engraisse les animaux pour les faire abattre, on décapitalise pour tenir le coup. Si ça continue comme ça, si nous ne sommes pas aidées, les gars qui ont 250 vaches aujourd’hui n’en auront plus que 25 à la fin de l’année. Et ceux qui en ont 25 n’en auront plus. »

Enquête en cours

Afin de mieux cerner les besoins et calibrer les réponses, la Chambre d’agriculture a expédié cette semaine un courrier à tous les éleveurs du département pour dresser un état des lieux complet des difficultés actuelles ou prévisibles en matière d’abreuvement des animaux. Emmanuel Leroy rappelle qu’il est important que le plus grand nombre réponde à ce questionnaire à réception pour pouvoir organiser au mieux la suite de l’année. « Cette enquête concerne aussi les ateliers de transformation à la ferme qui ont eux besoin d’eau potable. »

Abreuvement, un usage prioritaire !

Dans certaines zones du département, les Aspres en particulier, des tensions sont déjà survenues autour des usages de l’eau. « Ce que nous voulons rappeler, c’est que l’abreuvement des animaux est considéré comme un usage prioritaire dans les arrêtés de restrictions » précise Emmanuel Leroy. Il est donc légitime que des prélèvements d’eau soient effectués à cette fin.

 

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