“Satisfaction” : édito rock and roll !

Après avoir lu et relu le communiqué de presse cosigné par la présidente de la Chambre d’agriculture des P.-O., par le président de la FDSEA 66 et par celui des JA, je ne peux m’empêcher de fredonner ce titre interprété par les Rolling Stones “I can’t get no satisfaction” qui veut dire “Je ne peux obtenir aucune satisfaction”. “Satisfaction”, terme qui revient dans le communiqué formulé de la sorte “satisfaction syndicale et professionnelle”. D’où l’idée, sans le célèbre riff de guitare bien entendu, de cet édito rock and roll. Car il faut un peu secouer les béatitudes, modérer le triomphe, contenir l’allégresse et rappeler quelques inavouables certitudes.

Commençons par remonter le temps pour nous transporter au printemps 2023 quand, à par le Pape et quelques dignitaires internationaux, il ne manquait pas grand monde dans le défilé des berlines officielles pour venir compatir au chevet des agriculteurs roussillonnais, impactés par une sécheresse historique. Laquelle nécessita même l’intervention divine d’un saint dont les reliques furent acheminées jusque dans le lit de la Têt sous le regard de nombreux médias. Et ce, en attendant les trois gouttes qui tombèrent dans la foulée pour confirmer la bonne connexion avec l’au-delà ou avec l’eau de là qui, finalement, ne vint pas.

Le préjudice était alors estimé à 400 millions d’euros qui, soit dit en passant, correspond peu ou prou au chiffre d’affaires de l’agriculture dans les P.-O. La louche étant peut-être un peu trop pleine, il fallut revoir les chiffres et tabler plus raisonnablement, quelques mois plus tard, sur 200 millions d’euros. Enfin, probablement “relayé” auprès du ministre lors de la visite effectuée récemment rue de Varennes par les responsables roussillonnais, le préjudice subi fut estimé in finé à 112 millions d’euros. Ou comment, en moins de 6 mois, le nombre de briques peut passer de 400 à 112 et, de facto, disparaître plus vite que la flotte sur un département rompu aux décrues, puisque l’activité agricole fut divisée par trois en moins de 30 ans.

Et maintenant, démerdez-vous…

Mais le meilleur tient dans le refrain : “I can‘t get no satisfaction” (je ne peux obtenir aucune satisfaction). Mick Jagger et Keith Richards, en écrivant et en composant ce morceau d’anthologie, ne savaient pas bien entendu qu’il pourrait, un jour, servir de titre à un édito destiné à évoquer la “sécheresse” d’une enveloppe de 6 millions d’euros. Soit à peine un peu plus de 5 % du préjudice revu et officiellement estimé. Montant censé “satisfaire” presque tout un secteur d’activité. À moins qu’après le coup des reliques, il faille désormais envisager un remake des Noces de Cana avec multiplication des pains aux portes des organismes bancaires où bon nombre de paysans vont devoir se rendre pour négocier un énième report des emprunts, un étalement de la dette, un arrêt contraint de l’activité…

Oubliée, la filière viticole apprend, maigre consolation, avec ce communiqué que “la mobilisation continue”. Des viticulteurs qui peuvent aussi consulter la seconde mouture du texte transmis par le ministère et ce passage en particulier : “Au niveau structurel, compte tenu de la multiplicité des difficultés que traverse cette filière, la réflexion devra porter en synergie sur des outils d’intervention articulés avec la stratégie prospective en cours d’élaboration par la filière à même de permettre aux viticulteurs de redresser la situation à long terme”. Allez, je vous repasse le refrain : “synergie sur des outils d’intervention articulés avec la stratégie prospective en cours d’élaboration par la filière” Comprenez : “Et maintenant, démerdez-vous”. Traduction un peu “rock and roll”, je le concède de : “Ni vu ni connu, je t’embrouille”.
5,4 % précisément et une “stratégie prospective” pour solde de tous comptes en attendant, bien sûr, les subtilités promptes à décourager ceux qui connaissent la ritournelle des conditions d’attribution.

I can’t get no satisfaction ou “satisfaits d’avoir été entendus” ? Insoutenable ambivalence de ladite question !

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