“On”

Parce-que notre journal n’a pas été sollicité par les sponsors du football pour diffuser leurs “réclames”, je peux me permettre ici de ne pas verser dans l’exaltation, dans l’enthousiasme immodéré, dans l’hystérie collective. À contrario, j’aurais, bien entendu et à l’instar de nombreux médias nationaux qui commercialisent jusqu’à 364 000 euros les 30 secondes de publicité, dû faire allégeance à ces prestigieux annonceurs, marchands d’argent, fabricants de voitures et autres marques de déodorant ou de chaussures. Dont celle qui commercialise, moyennant une somme pouvant atteindre 140 euros, un maillot fabriqué en Thaïlande et estampillé 2 étoiles auprès de ceux qui proclament depuis dimanche soir “on” a gagné, “on” est les meilleurs, “on” est champions du Monde. Et pourtant, à bien y regarder, ceux qui ont réellement gagné s’appellent plutôt Griezmann avec 26 millions d’euros de salaire annuel, Pogba avec 22,2 millions d’euros ou, entre autres capitalistes adulés, le prodige Mbappé avec 17,5 millions d’euros. Sans oublier le gentil Deschamps qui, pour faire courir ces gens-là, perçoit la modique somme de 3,45 M € par an. Rajoutons à ces émoluments bien mérités la prime comprise entre 350 000 et 400 000 € versée à chaque joueur en cas de victoire. Un pourboire pour ainsi dire.
Une victoire fêtée comme il se doit au stade Loujniki avec cette scène presque surréaliste à laquelle ne participait pas Dame Brizitte et où Vladimir eut droit à son parapluie quelques secondes seulement après le début d’une averse mémorable. Notons qu’à un mètre de là, Manu se faisait copieusement rincer par l’orage moscovite en présence de la pulpeuse et très “tactile” présidente croate Kolinda Grabar-Kitarović. Mais, que voulez-vous, avec le temps comme en politique, le pouvoir c’est prévoir.

Pour gagner, osons le terme, par procuration
Advint ensuite cette liesse “patriotique” déferlant sur les Champs Élysées et dans toutes ces villes de France où il fallait fêter comme il se doit le plus important évènement survenu depuis la victoire de… 1998. À croire qu’il n’y a que le football pour rassembler un peuple, pour lui donner envie d’espérer, pour partager ses émotions. Pour gagner, osons le terme, par procuration. Formidable opportunité également que ce triomphe pour ces centaines de casseurs qui, après avoir (officiellement) enflammé 845 voitures la nuit précédente ont pu remettre le couvert dimanche soir en brisant des dizaines de vitrines, en se servant impunément dans les magasins et en saccageant toutes ces enseignes qui avaient eu la mauvaise idée de se trouver sur leurs chemins. Sur ce point, en revanche, la communication des grands médias fut beaucoup plus confidentielle. Car il ne fallait ternir ni la fête, ni cette occasion inespérée qu’elle venait de fournir au premier d’entre nous. Celle qui consiste à honorer solennellement devant les chaines de télévision (qui vendent les réclames) les “héros” d’une nation. En leur attribuant, c’est promis, d’ici quelques mois, cette Légion d’honneur qu’il fallait, rappelez-vous, surtout ne plus remettre à n’importe qui.
Parce qu’on est les meilleurs, parce qu’on est des champions. Parce que, d’une façon ou d’une autre, “on” finit toujours par payer l’addition.

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