Et si les gens des champs décidaient pour les gens des villes ?

Pour étayer cette question, imaginons donc un ministère de la Ville établi à Mantet ou à Montfort sur Boulzane, à Saint Arnac, à Coustouges ou à Chalabre avec des paysans, des artisans, des commerçants du cru qui seraient désignés pour définir les grandes orientations urbaines. Autrement dit régler, à 1 000 kilomètres de Lutèce, les problèmes de circulation, de pollution, d’urbanisme. Mais aussi phosphorer sur le montant des taxes locales, sur la carte scolaire de Neuilly ou d’Argenteuil, sur la construction d’une nouvelle ligne de métro, sur le temps de transport des franciliens, sur leur sécurité, sur leur activité culturelle, sur la couleur de la tour Eiffel, sur le goudronnage des Champs Élysées, sur le nombre de médecins qu’il faut accorder à tel ou tel arrondissement, sur la réintroduction du mouton à Gonesse, des montbéliardes à Orly et des céréales à Sarcelles.
En résumé, sur tout ce qui fait le quotidien, l’environnement, le présent et l’avenir des Parisiens. Lesquels devraient respecter l’heure de la traite pour ne pas stresser les vaches, laisser la priorité aux tracteurs, aux machines à vendanger et autres moissonneuses batteuses pendant les heures de pointe, ne plus jeter par la fenêtre de leur véhicule le moindre papier pouvant polluer jardins et vergers, ne plus s’arrêter pisser dans les champs de betteraves, ne plus faire courir son labrador dans la luzerne. Et ne plus se servir en artichauts dès la nuit tombée en lisière de cette cité où l’on ne serait, bien sûr, plus autorisé à bruler la voiture volée dans le champ du voisin.

N’ayant pu devenir paysans, ils passent leur temps à les emmerder
Évidemment, ce scenario est d’autant plus inconcevable qu’aucun paysan n’accepterait pareille responsabilité. Tout simplement car trop occupé pour envisager la moindre ingérence chez ceux qui, à contrario, ne se gênent pas pour imposer leur vision aux gens de la campagne. Chaque semaine environ, et même si les écologistes ne parviennent jamais à dépasser 2 % des suffrages lors des élections, le ministère de l’Environnement décide, ordonne, impulse ses lois, ses décrets, ses règlements qui imposent par exemple et pour ne parler que des Pyrénées, la réintroduction de l’ours ou, entre autres, via les Réserves naturelles, la protection de quelques oiseaux rares. Souvenons-nous de ce que confiaient à ce propos, en 2016, des éleveurs du haut pays au journal l’Agri : “C’est le troupeau que l’on ne peut pas conduire en estive à telle date à cause de la présence du grand tétras. C’est le refuge que l’on ne peut pas construire car l’administration revient en permanence sur le choix de l’emplacement. C’est la couleur de la comporte pour recueillir l’eau destinée aux vaches qui ne convient pas. C’est le défrichage et la coupe de bois qui nécessitent des mois de démarches administratives.” Un florilège non exhaustif de contraintes ubuesques auquel il faut rajouter l’acharnement que font peser sur les pratiques agricoles tous ces frustrés bien habillés qui, n’ayant pu devenir paysans, passent leur temps à les emmerder.

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