Saison 2023 : premiers bilans, premières pistes (partie 1) [par Yann Kerveno]

Qu’avons-nous appris de cette année particulière à plus d’un titre ? Au long de quelques semaines, l’Agri interroge le terrain. Que s’est-il passé dans les vignes, les vergers, les champs ? Et comment envisager l’avenir ? Première étape au domaine Lafage à Cabestany.

Le problème du changement climatique tel que nous l’expérimentons, c’est la rapidité avec laquelle il s’impose aujourd’hui, en particulier dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales. “Cette année nous a apporté pas mal de surprises. Avec le peu de feuilles développées, on s’attendait à des pertes de qualité, à des blocages de maturité, mais en fait, on était à l’heure, la date des vendanges elle-même a collé avec ce qui est habituellement dans la norme, la seule conséquence importante, c’est la baisse de rendement. Ce qui fut le plus complexe, c’est l’hétérogénéité dans les parcelles, en particulier pour les rouges, qui a rendu difficile le choix de la date des vendanges” explique Antoine Lespès, en charge de la recherche et du développement au domaine Lafage à Cabestany.

Les conditions hors normes de cette année permettent toutefois de tirer des enseignements, de poser, peut-être, des pistes pour le futur. “On a vu par exemple des regains de végétation dans certaines parties de parcelles au moindre apport d’eau, dans les bas-fonds par exemple. Cela conforte dans l’idée qu’il faut regarder de plus près les solutions amenées par l’hydrologie regénérative…” Repenser la façon dont sont plantées les parcelles sur les coteaux, par exemple, au milieu desquels il faudrait casser les pentes, freiner le ruissellement…

Infiltration

Le domaine a aussi mis en place des essais pour évaluer le comportement de la vigne avec des couverts, de l’irrigation, sans irrigation… “Cette année nous confirme que les couverts, quand ils sont bien maîtrisés, améliorent grandement la capacité d’infiltration des sols, cela nous a permis de maximiser le peu de précipitations de l’année, on est à moins 15 % de stress hydrique et plus 40 % de volume de baies par rapport à notre parcelle témoin” précise Antoine Lespès. Des essais sont aussi menés autour des concepts d’irrigation de conservation. “Nous essayons, avec ces essais, de suivre tous les paramètres, le rendement bien sûr, la qualité et les profils aromatiques. Cette année, nous avons apporté 30 mm avec des résultats très probants par rapport au sec, nous avons doublé les rendements, nous sommes aussi parvenus à retarder le développement des anthocyanes, nous avons aussi maintenu le potentiel de qualité et de garde des vins.”

Connaître la réserve utile

Antoine Lespès a aussi conduit des essais avec du Biochar, du carbone qui, mélangé au sol, permet d’en augmenter la réserve utile. “Nous avons planté des cépages Bouquet cette année avec du biochar et un goutte-à-goutte, et nous avons eu 45 % de croissance en plus que pour la modalité en sec.” Ce qu’il retient pour l’instant de tous ses travaux, c’est qu’avec trois apports d’eau au moment clé, débourrement, floraison et véraison, on peut s’en sortir, mais que pour cela, il faut avoir une bonne connaissance de la réserve utile des sols et que, pour cela, la méthode du bilan hydrique n’est pas forcément la plus pertinente. Entre autres conclusions. (À suivre)

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