Rétrospective : une année agricole à oublier ?
2023 n’aura pas épargné le département des Pyrénées-Orientales. Résumé d’une année chargée.
Janvier. Dès le premier mois de l’année tous les regards étaient tournés vers la Têt, les débits réservés… Une grande manifestation est même organisée à Perpignan qui rassemble agriculteurs, syndicats agricoles et élus locaux, jusqu’aux jardins familiaux en passant par les chasseurs, le MEDEF, qui craignent de se voir couper l’eau. Finalement, le ministère autorise la préfecture à se défendre et faire appel de la décision du tribunal administratif de Montpellier de casser la dérogation accordée sur les débits minimums de la Têt. Une fronde s’élève aussi du côté de Maury contre le doublement d’une ligne à haute tension qui pourrait défigurer le paysage.
Février. C’est le mois du salon de l’agriculture et cette année, il est particulier parce qu’il accueille Mars, taureau gascon de l’élevage d’Oriol Sola à Sahorre. Mais c’est aussi en février qu’on apprend qu’il n’y aurait pas, en 2023, d’artichauts du Roussillon sur les étals. Les producteurs sont trop peu nombreux pour que la démarche, et la certification, soient économiquement soutenables.
Mars. Les inquiétudes deviennent patentes quant à la saison d’irrigation alors que les vergers sont en pleine floraison. Le barrage de Vinça n’est pas à moitié plein, la neige n’est pas très abondante en montagne et il ne pleut pas. Et, pour la première fois, les usines électriques de la Têt ont cessé de turbiner pour économiser l’eau tandis que dans les exploitations, on réfléchit à comment valoriser le peu d’eau disponible, à élaborer les premières stratégies de résistance.
Avril. Le président de la République a présenté son “plan eau”, mais il ne pleut toujours pas en Roussillon ou sur les montagnes catalanes. D’ailleurs, le feu prend ses aises et crame plus de 1 000 hectares à Cerbère, un record pour un incendie aussi tôt en saison. L’Agri organise, le 6 à Saint-Estève, une grande réunion publique sur le thème de l’eau pour “secouer” le Landerneau alors que le monde agricole est au pied du mur…
Et le 14, les tracteurs bloquent la 116 au niveau du barrage de Vinça. L’adduction d’eau potable de Bouleternère, en rupture, est connectée sur le forage de l’ASA de Saint-Anne. Et le préfet a finalement pris un nouvel arrêté de dérogation aux débits réservés pour maintenir de l’eau dans les canaux. Arrêté qui fut aussitôt traîné devant la justice par FNE.
Mai. Début mai, les craintes s’étendent et, à la suite des arboriculteurs et des maraîchers, ce sont les éleveurs qui font part de leurs difficultés, problèmes d’abreuvement et de fourrages qui ne poussent pas, tout comme l’herbe dans les estives qui tarde à démarrer.
Et c’est la valse des ministres en vadrouille, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, puis, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture qui visite l’exploitation de Guy Banyuls à Espira de l’Agly et Ille Fruits et s’entretient avec les représentants du monde agricole départemental. D’autres visites se succéderont dans les semaines suivantes, le président national de la MSA, celui de l’APCA, de la FNSEA, des JA…
Juin. Les œnologues de France sont en congrès à Perpignan et il pleut un peu en montagne. Pour autant, l’étau ne se relâche pas sur les tours d’eau des canaux tandis qu’une polémique se développe du côté d’Espira, zone la plus touchée par le manque d’eau, autour d’hypothétiques lâchers depuis le barrage sur l’Agly. Les syndicats organisent aussi des visites de courtoisie dans les supermarchés pour vérifier les étiquetages.
Juillet. Enfin, le barrage de Vinça a fini par se remplir et les canaux peuvent retrouver un fonctionnement qui permet aux cultures d’avancer. Mais le mal est fait, malgré les éclaircissages préventifs, pour ménager les arbres, il manquera du calibre dans les vergers. Au CIVR, l’ambiance se tend et les producteurs boycottent l’assemblée générale.
Août. La campagne des fruits d’été bat son plein et le monde viticole commence de compter ses abattis. La vigne souffre plus que jamais de la sécheresse persistante. Seuls les territoires des Fenouillèdes et de la Côte Vermeille feront une vendange correcte. Le pire étant concentré dans le triangle Perpignan, Estagel, Fitou où les pertes de rendement atteindront plus de 50 % dans certaines parcelles.
Septembre. La coopérative catalane des éleveurs s’est offert un nouveau président avec Olivier Gaurenne et commence à déployer un nouveau projet autour de sa marque Transhumancia.
En plaine, pour ajouter au cataclysme, la grêle s’abat sans ménagement entre Trouillas et Cabestany, mais aussi sur Tautavel ou Rasiguères, ne laissant aucune chance au vignoble déjà éprouvé par la sécheresse. Près de 200 hectares sont concernés.
Octobre. Les vignerons font le coup de force au péage du Boulou. Venus des vignobles méditerranéens, ils entendent protester contre les importations de vins espagnols par le négoce français alors que les chais, de ce côté-ci de la frontière, sont pleins. Les représentants de l’agriculture départementale sont reçus à Paris par Marc Fesneau pour négocier l’enveloppe d’aide qui doit venir soutenir le maraîchage et l’arboriculture. En Cerdagne, les éleveurs continuent de protester contre l’indice de la pousse de l’herbe.
Novembre. 6 millions d’euros, c’est le montant de l’enveloppe complémentaire accordée par l’État pour les maraîchers et les arboriculteurs dans le cadre des aides sécheresse, qui comptent également une prise en charge des cotisations MSA, un dégrèvement de taxe foncière sur le non-bâti… Mais les vignerons du sud de la France montent une nouvelle fois au créneau, à Narbonne, pour réclamer l’aide de l’État.
Décembre. Une manifestation, la dernière de l’année, comme un baroud d’honneur des éleveurs de Cerdagne qui protestent contre l’indice de pousse de l’herbe qu’ils accusent de ne pas fonctionner. Le cru banyuls prend la décision de quitter le Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon dont l’assemblée générale est décalée au 9 janvier.
Yann Kerveno