Les “gros mots” de Jean-Paul Pelras : Woke !

Changement de braquet en ce début d’année que je vous souhaite heureuse, appétissante et enjouée. Voici donc le premier verset d’une nouvelle série consacrée à ces “mots” que nous qualifierons de “gros” sans qu’ils soient forcement grossiers, car ils font et défont l’actualité tout en influençant le cours de nos petites sociétés.

Inaugurons cette séquence avec le mot “woke”. Les premiers temps, je pensais qu’il s’agissait d’un récipient vietnamien ou cantonais destiné à l’ébullition, au braisage, aux fritures et autres ragoûts ou rôtissages. Et puis, je me suis rendu compte que, augmenté de la lettre “e”, le terme était attribué à un mouvement étasunien sponsorisé, entre autres et en Gaule française, par la “douanière” Rousseau. Laquelle, afin peut être de ne pas trop nous éloigner des fourneaux, avait, souvenez-vous, proscrit le barbecue et le mâle fatalement livré avec l’entrecôte, le “bifetèque”, le gigot.

Le woke donc, terme argotique afro-américain qui désigne “le fait d’être conscient des problèmes liés à la justice sociale et à l’égalité raciale” a, depuis quelques années, migré (osons le terme) jusque dans notre quotidien. Et si l’on veut synthétiser avec une formule, empruntons le titre de sa chanson à Erykah Badu “I stay woke”. Comprenez, si vous le pouvez : “Je reste éveillée”.
Pour étayer le propos, nous ferons bien entendu référence à bon nombre de manifestations censées dénoncer toutes formes d’injustices subies par les minorités sexuelles, ethniques, environnementalistes ou religieuses. Le “genre” (autre gros mot accompagnant systématiquement le mot “woke”) étant devenu, avec l’écriture inclusive, la préoccupation principale de certains censeurs patentés. Lesquels, “iels” pour ne pas les citer, n’ont pas supporté les rediffusions de “Autant en emporte le vent”, du “Livre de la jungle”, de “Peter pan” et autres stéréotypes “fautifs ou discriminatoires” comme peuvent l’être “Candy”, “Cendrillon”, “Tintin”, “Blanche Neige” ou “Bonne nuit les petits”, productions cinématographiques où la dame est, selon les grands penseurs du moment, relayée au rang de subalterne. Rajoutons à ces réjouissances intellectuelles, l’anthropomorphisme. Ne raccrochez pas encore et comprenez “attribution de caractères propres à l’homme à des animaux, des forces de la nature ou des objets naturels”.

Bon, restons-en-là et souvenons-nous de ceux qui nous ont montré le chemin si compliqué des choses que l’on croit simples. Autrement dit, nos parents, nos grands-parents et ceux qui les ont précédés. Mon père, qui passa sa vie dans les garrigues et qui n’a pas eu la chance de phosphorer jusqu’à plus de 30 ans dans les amphithéâtres d’universités où les “savants” décident du sort de l’humanité, voyait toujours, selon la formule consacrée, d’où venait le vent. Il le comprenait, il le devinait. Tout comme, entre deux rangées de vignes dument taillées, il savait que, pour exister, il ne pouvait compter que sur les “moyens du bord” et sur la providence d’une excellente santé.

Il m’arrive souvent de repenser à lui quand j’entends toutes les conneries débitées à longueur de journée par des gens qui s’ennuient et ne savent plus quoi inventer (à nos frais) pour nous faire culpabiliser. Ces gens qui savent forcement ce qui est bien pour nous, qui savent où sont les purs et les impurs, qui savent où campe le mal, où gîte le bien, qui vivent sans instinct, qui ne connaissent ni la solitude de l’âme, ni la vacuité du temps, ni l’étoupe des lointains, ni le sortilège des sentiments. Oui, le woke, finalement, c’est la médiocrité et le désœuvrement !
Allez, la semaine prochaine je vous parlerai du mot “baffe”. Avec quelques propos affectueux pour Obélix, surtout quand il est interprété par Depardieu !

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