Réforme des retraites : double peine pour les carrières longues ! [par Thierry Masdéu]

Cela ne vous aura pas échappé, le dossier brûlant de cette nouvelle année concerne le projet de la réforme des retraites et de son système de répartition. Un serpent de mer qui, depuis octobre dernier, a pris une accélération fulgurante visant, selon l’exécutif, à assurer son équilibre financier à l’horizon 2030. Un choix politique qui fait probablement suite au rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié le 15 septembre dernier où, entre données réelles, statistiques, hypothèses et projections, les “politico-techno-optimistes” et “politico-techno-pessimistes” ont matière à débattre…

Une 9e édition dans laquelle on y apprend, entre autres, que le régime des retraites a enregistré un excédent de 900 millions d’euros en 2021 et qu’il serait de 3,2 milliards d’euros pour 2022. Que le montant des réserves financières au sein du système de retraite par répartition s’élevait, au 31 décembre 2021, entre les régimes de base, intégrés et complémentaires, à 180,4 milliards d’euros. Que les dépenses nettes du système de retraite, effectivement versées aux retraités, s’élevaient à 321,1 milliards d’euros en 2021, soit 12,8 % du PIB. Qu’en moyenne, il serait déficitaire sur les 25 prochaines années. Que selon l’exercice de projections de l’INSEE de 2022, la population active (en emploi ou chômage) passerait par un pic de 30,5 millions en 2040 avant de décroître à 29,2 millions en 2070. Que les 3 leviers possibles pour des ajustements en cas de besoins de financement ou d’excédents demeurent : le taux des prélèvements, le niveau des pensions par rapport aux salaires et le rapport nombre de cotisants/nombre de retraités, en agissant notamment sur l’âge du départ à la retraite.

L’échéance d’une fin de carrière, objet de campagne du président Emmanuel Macron qui fixait sa limite à 65 ans au lieu des 62 ans, serait finalement décalée progressivement de 3 mois par an jusqu’à l’âge de 64 ans en 2030. Une règle qui ne concernerait que les personnes nées à partir du 1er septembre 1961. Cette proposition qui s’accompagne d’autres mesures, comme la suppression de certains régimes spéciaux, sera présentée en Conseil des ministres le 23 janvier et fait déjà l’objet de vives protestations de l’ensemble des syndicats. Opposés à tout report de cet âge légal des 62 ans actuels pour un départ en retraite, ils appellent à une première manifestation ce jeudi 19 janvier.

Étrange “mode d’emploi”

Si, au niveau des représentations syndicales, la colère est de mise, elle est tout aussi palpable chez les actifs nés à partir du 1er septembre 1961. Tout proche de leurs fins de carrières, la pilule est d’autant plus difficile à avaler pour ceux dont les 168 trimestres requis étaient déjà validés avant l’âge légal ou sur le point de l’être pour un départ à taux plein. L’idée de devoir rempiler de 3 à 9 mois supplémentaires pour ces natifs entre le dernier trimestre de 1961 et celui de 1963, ne vient qu’attiser un sentiment d’injustice et alourdit une situation de fatigue morale et bien souvent physique, suivant les corps de métier. Sans compter les remises en question pour les personnes dont les plans de fin de carrière ont engagé, voire acté, des démarches de transmission d’entreprise ou de promesses et d’embauches de nouveaux salariés en prévision de remplacements des départs en retraite. Allonger la durée du travail pour cotiser davantage sans une contre-partie de bénéfice sur les pensions qui leur étaient déjà allouées, semble un des paris risqués de cette nouvelle réforme. Un effort de solidarité imposé à ces tranches d’âges charnières qui risquent fort de mal l’accepter.

Le cas qui semble le plus flagrant concernerait le dispositif des carrières dites longues et notamment pour les personnes ayant travaillé avant l’âge de 16 ans avec 5 trimestres validés. En effet, si l’on s’en réfère à l’outil “simulateur”, sorte de mode d’emploi mis en ligne sur le site officiel d’Info retraite, toute personne née entre ces tranches d’âges, ayant commencé à travailler avant l’âge de 16 ans (comme c’est souvent le cas dans les exploitations et entreprises familiales agricoles ou artisanales) sont les seuls actifs à devoir s’acquitter d’une cotisation de 176 trimestres (voir capture d’écran), au lieu de 168 trimestres actuellement, soit 44 années de cotisations pour un départ possible en retraite dès 58 ans. En comparaison, toute personne née en 1968 et n’ayant pas cotisé avant 20 ans devra s’acquitter de 172 trimestres pour un départ possible dès 64 ans. Un nouveau projet de réforme qui n’a pas fini d’occuper la scène politico-médiatique. À suivre…

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