Rapport du GIEC : un soupirail pour s’en sortir [par Yann Kerveno]

Parce qu’on fait bien dire ce qu’on veut à tous les rapports, il n’est pas inutile de consulter les documents sources. L’Agri a lu la 6e synthèse du GIEC destinée aux décideurs. Revue de détail qui montre que l’agriculture moderne est une fraction du problème et une partie de la solution.

C’est un fort document, très dense, 36 pages, étayé par une foule de chiffres, tous sourcés et farcis de nuances. Bref, que disent les experts du GIEC ? La première chose, c’est qu’il faut en finir avec l’idée que le changement climatique, et l’élévation des températures, est naturel. Plus rien aujourd’hui ne peut étayer la thèse que l’homme n’a rien à voir là-dedans. Ce sont bien les activités humaines qui sont à l’origine du dérèglement que nous connaissons. Point à la ligne.
Le deuxième message clé, c’est que la fenêtre pour agir est aujourd’hui réduite à un soupirail que nous aurions tout intérêt à ne pas laisser se refermer si l’on veut espérer tenir la trajectoire à + 1,5° C, puis celle à + 2° C. D’ailleurs, les chercheurs ont revu le calendrier, + 1,5° C sera finalement pour demain, 2030. Dans sept ans. Et + 2° C à la fin du siècle si l’on arrête de faire progresser les émissions de gaz à effet de serre.

exposition à l’élévation des températures selon l’année de naissance
Ce graphique résume l’exposition à l’élévation des températures selon l’année de naissance. Sachant que la température moyenne a progressé de 1,1° C pour la période 2011-2020 par rapport à 1850-1900. Avec, à partir de 2020, une projection en fonction des différents scénarios (very low = action rapide et forte sur les GES / very high = amplification du développement et des émissions dans le pire scénario, + 4° C en 2100.)

Ça progresse, mais pas partout

Les chercheurs ajoutent que les effets du changement climatique sont aujourd’hui palpables partout dans le monde, à des échelles diverses, mais que souvent les populations les plus touchées sont celles qui ont, ironie suprême de l’histoire, le moins contribué au changement. Ils notent aussi que les mesures d’adaptation progressent, mais là encore, pas partout de la même manière, que certaines régions sont déjà dans le mur, même plus difficilement que le pourtour méditerranéen, et que l’inertie du système terre rend certaines évolutions déjà irréversibles. Mais, parce qu’il y a un “mais”, que l’on peut en minimiser l’ampleur et qu’une réduction drastique des émissions aurait des effets visibles très rapidement. Et qu’il faudra vite développer des solutions de stockage de carbone pour tenter de freiner un peu plus la dégradation.

Stopper la déforestation

Les chercheurs listent ensuite les outils et leviers dont nous disposons pour agir, le premier étant certainement d’être plus sobres. Pour l’énergie, le solaire et l’éolien présentent le plus de potentiel, avec le défaut de leur nature, la “non-pilotabilité” (sans vent, sans soleil, ça ne fonctionne pas) devant la réduction des émissions de méthane issues de la combustion des énergies fossiles, la bioélectricité, le nucléaire et, en dernier lieu, le stockage du carbone. Pour la partie qui concerne l’agriculture, plusieurs pistes sont porteuses de potentiel : l’amélioration de la gestion des terres cultivées, l’agroforesterie, la biodiversité et la gestion des écosystèmes. Avec pour outils au potentiel le plus important la réduction de la déforestation, en particulier dans les zones tropicales, la restauration des forêts, la réduction du gaspillage alimentaire, la conversion à des régimes alimentaires plus sains et l’intensification durable de l’agriculture.

Problème et solution

Si la réduction des émissions de méthane et de protoxyde d’azote par l’agriculture est une piste envisagée, elle ne pèse qu’environ 0,5 gigatonne d’équivalent CO2 par an contre 4 Gt pour la réduction de l’anthropisation d’espaces naturels, environ 3,3 Gt pour la séquestration de carbone par l’agriculture… De quoi renforcer l’idée que l’agriculture est une partie du problème, 22 % des émissions de gaz à effet de serre en 2019, mais aussi une partie de la solution et que le système alimentaire mondial pourrait économiser 44 % de ses émissions en 2050 si les bonnes mesures étaient prises aujourd’hui… Chiche ? La balle est dans le camp de ceux qui font les politiques.

Le rapport (en anglais) https://report.ipcc.ch/ar6syr/pdf/IPCC_AR6_SYR_SPM.pdf

Que sont donc les gaz à effet de serre ?

On les appelle aussi GES et ils sont une famille nombreuse paradoxalement indispensable à la vie sur terre puisque ce sont eux qui régulent la température de l’atmosphère. Et c’est quand il y en a trop, issus en grande partie des activités humaines, que ça déraille. Le plus visible, c’est la vapeur d’eau, le plus connu, c’est le dioxyde de carbone (CO2), suivi du méthane (CH4), puis il y a le protoxyde d’azote (N2O), l’hexafluorure de soufre (SF6), le trifluorure d’azote (NF3) et enfin les gaz fluorés, ces trois derniers étant issus des activités industrielles, les trois premiers d’origine naturelle. Tous n’ont d’ailleurs par le même “potentiel de réchauffement global” (PRG). Le C02 sert d’étalon, son PRG est donc de un. Le méthane c’est 28, le protoxyde d’azote 273, l’hexafluorure de soufre 25 200, le trifluorure d’azote 17 400 et les gaz fluorés de 771 à 7 380.

Les deux principaux responsables

Le CO2 provient de la décomposition naturelle des produits animaux ou végétaux mais il est aussi le carburant de la photosynthèse. La concentration en CO2 a augmenté de 45 % depuis 1750 à cause, entre autres, de la combustion d’énergie fossile, de la déforestation et des certains processus industriels. C’est aussi le gaz qui porte à lui seul la moitié de la responsabilité du réchauffement climatique. Le méthane provient lui aussi de la décomposition du vivant et la moitié des émissions de méthane est attribuable aux activités humaines dont, mais pas seulement, l’agriculture avec les rizières, les rots des ruminants, les fumiers et lisiers. Les autres sources anthropiques sont le compostage et l’exploitation du gaz naturel. Avec une concentration qui a augmenté de 150 % depuis 1750, le méthane est responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre mais les émissions ne progressent quasi plus depuis une décennie et ont reculé en Europe depuis 20 ans.
En savoir plus : https://climat.be/changements-climatiques/causes/gaz-a-effet-de-serre

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