Dérogation préfectorale, les agriculteurs se sont fait avoir ! (Par Yann Kerveno)

La dérogation aux débits réservés de la Têt est un trompe-l’œil. Il y a en fait moins d’eau qu’avant.

L’appel du 6 avril lancé par l’Agri a résonné fortement dans le département. Preuve en était, s’il fallait, de l’audience réunie hier soir à l’espace Saint-Mamet de Saint-Estève, largement plus de 200 personnes, élus, des maires aux députés en passant par les sénateurs et les exploitants agricoles, nombreux en anxieux d’un ciel sans nuages.  « C’est absurde » relevait David Massot, président de l’ASA de Thuir, « l’État nous a aidé à bétonner les canaux pour faire des économies d’eau et au final, cela assèche les nappes ! » Sans compter , ajoutait-il en résumé « que l’eau qui circule quand même dans les canaux l’hiver, pour la recharge et alors que les besoins de l’agriculture sont limités, doit être payée… »  Il aura pourtant fallu attendre un long moment avant d’arriver à l’os que tout le monde était venu chercher. Et que Fabienne Bonet, présidente de la Chambre d’agriculture, finisse par lâcher le morceau et dire, avec précision quelle était l’ampleur du désastre à venir en explicitant les termes de la dérogation accordée par le préfet pour un mois sur les débits réservés. L’abaissement de 1 500 litres/seconde à 1 000 litres/seconde du débit réservé de la Têt aurait pu être considéré comme une bonne nouvelle, mais le diable, souvent l’Agri le dit, se cache dans les détails.

Noyer le poisson.

Dans son communiqué sibyllin diffusé mercredi soir, la préfecture donnait le ton et la hiérarchie des priorités en rappelant la situation qui : « (…) présente un risque pour les usages indispensables que sont l’alimentation en eau potable, la lutte contre les incendies (notamment par la possibilité pour les canadairs d’écoper dans le barrage de Vinça en cas d’incendie majeur), la préservation du milieu et les usages économiques et alimentaires. » Et le communiqué de poursuivre : « Afin de sécuriser ces usages pour les prochaines semaines, et compte tenu des prévisions météorologiques, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris ce jour un arrêté restreignant les volumes d’eau lâchés dans la Têt à l’aval du barrage de Vinça afin d’augmenter le remplissage de cette réserve. Cette décision porte le débit réservé sur la Têt de 1 500 l/s à 1 000 l/s au niveau du point T6 pour une période d’un mois. » Une manière de noyer le poisson dans le peu d’eau qui reste ? Peut-être…

Mathématique cruelle.

Parce que la situation qui découle de cette dérogation est pire que celle qui prévalait la semaine dernière pour les canaux et l’irrigation. « La dérogation a en effet réduit à 1 000 litres le débit réservé au point T6 » expliquait Fabienne Bonet, présidente de la Chambre d’agriculture évoquant un des points de mesure placés dans la Têt en aval des prises d’eau des principaux canaux « mais elle ne parle pas du point suivant, T7, qui lui reste à 1 200 litres secondes… » Les mathématiques font le reste. Avec un débit limité à 1 600 litres en sortie de barrage pour tenter de le remplir et un débit réservé à 1 200 litres à T7, il ne reste plus que 400 litres secondes pour l’irrigation et la recharge des nappes contre 600 litres la semaine dernière… La dérogation à 1 000 litres ne sert à rien.

Et maintenant ?

Dans l’assistance les oiseaux de mauvais augure se voyaient malheureusement récompensés parce que leur pessimisme a eu raison, d’autres ouvraient les yeux sur ce qu’ils ne voulaient peut-être pas voir et a flotté, à quelques reprises, un air de sidération. Oui, il pleuvra certainement un jour, mais on ne sait pas quand. Et pas en avril selon les projections des météorologues alors que les besoins de la végétation vont aller croissant dans les parcelles. Le mur est là, il est haut, et sera difficile à franchir. Le plus délicat n’est peut-être pas tant de se poser la question de la récolte que celle de la survie des arbres chez les arboriculteurs, des animaux qui seront privés d’herbe chez les éleveurs, etc. Etc.

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