Phytos interdits : de plus en plus d’impasses [par Yann Kerveno]

Le retrait de molécules mettent les producteurs dans des situations complexes où la solution est souvent pire que le problème…

Pour médiatiques qu’elles sont, la polémique néonicotinoïdes sur betterave et l’interdiction prononcée par la justice européenne, l’annonce du retrait d’une molécule herbicide, le S-métolachlore parce qu’elle fait peser une menace importante sur la qualité et la sécurité des nappes phréatiques et de l’eau potable, ne doivent pas faire oublier que de nombreux produits sont retirés chaque année. Laissant, la plupart du temps, les agriculteurs sans solutions.
“Dans le passé, nous organisions des réunions avec les producteurs pour annoncer l’arrivée de nouveaux produits, de nouvelles solutions. Aujourd’hui, nous ne faisons plus qu’organiser des réunions pour annoncer des retraits de molécules” ironise Éric Hostalnou du service Fruits et Légumes de la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. Parmi les produits moins médiatiques qui se voient aujourd’hui retirés du marché, on trouve par exemple le Movento. Cet insecticide est utilisé en arbo et en cultures légumières.

Le mieux ennemi du bien ?

“C’est le seul anti puceron spécifique et systématique qui permet de respecter le reste de la faune auxiliaire” explique Gaël Lichou, technicien maraîchage de la Chambre. “Il s’utilise sur salade, artichaut et céleri et sans ça, on va être obligé de basculer sur des pyréthinoïdes qui sont beaucoup moins ciblés…”
La problématique est la même avec un autre produit destiné à lutter contre l’acariose de la tomate, l’Oberon, dont l’utilisation sera interdite en 2025 et la vente dès cet automne. “C’est un produit largement utilisé qui respecte les auxiliaires” ajoute Gaël Lichou, “le supprimer, c’est faire tomber toutes les stratégies de luttes intégrées…” D’autres menaces pèsent, en particulier sur artichaut avec le retrait du dimétopmorphe, seule molécule curative anti-mildiou ou encore sur un produit de désherbage de l’artichaut, le Proman. “Il n’est pas autorisé sur artichaut, alors nous sommes obligés de demander une dérogation tous les ans, avec le risque qu’elle nous soit refusée.”

Et dans les vergers ? La situation n’est guère plus évidente. “Avec le retrait du Limidan, les producteurs de cerises ont de moins en moins d’outils pour lutter contre drosophila Suzukii et contre la mouche de la cerise. Il leur reste à disposition deux produits dont un, l’Exirel, qui est suspendu à une dérogation tous les ans et dont l’efficacité est moindre. Au final, au lieu d’avoir une combinaison de trois produits, pour une application chacun, les producteurs sont contraints d’utiliser deux fois le même au risque de générer une accoutumance des ravageurs ciblés” explique Éric Hostalnou.

Biocontrôles ?

Comme en maraîchage, le retrait du Movento, “seul anti pucerons efficace depuis la fin du Confidor” va poser problème en arbo. “On nous promet l’homologation d’un produit remplaçant d’ici un à deux ans, mais les Espagnols annoncent déjà qu’ils l’auront avant nous et nous sommes inquiets parce qu’obligés de nous méfier des réactions de l’administration française” ajoute-t-il. Et n’y a-t-il pas de produits de biocontrôles en remplacement ? “Il y en a beaucoup” répondent les deux techniciens avant d’ajouter “mais leur efficacité est souvent très très limitée.” “Cela peut convenir aux exigences de l’agriculture bio mais, en conventionnel, ça ne passe pas” d’après Éric Hostalnou. Et Gaël Lichou de conclure : “En plus, les produits de biocontrôles qui fonctionnent sont déjà largement adoptés…”

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