Fausse viande : ruée capitaliste sur l’effet bluff [par Yann Kerveno]
Viande végétale ou de synthèse, le secteur se développe à toute vitesse et attire les investisseurs comme le miel les abeilles.
Alors que la France s’écharpe à propos de la viande à la cantine, le monde industriel, lui, ne dort pas ailleurs dans le monde. En particulier l’écosystème des start-up qui développent des alternatives à la viande dans lequel les levées de fonds sont hebdomadaires et doivent, à la louche, approcher largement les 500 millions de dollars pour les douze derniers mois. Secteur le plus avancé, le segment du “Plant-Based food”, qui produit des succédanés de viande avec des protéines d’origine végétale. Deux entreprises font figure de leader dans ce domaine, Impossible Food et Beyon Meat. Leurs produits sont disponibles aux États-Unis et dans d’autres pays du monde, dont en France, mais Beyond Meat semble se détacher légèrement. L’entreprise californienne a signé deux partenariats retentissants fin février. Le premier avec McDonald’s pour la fourniture des “steaks” végétaux de la marque américaine et pour développer d’autres types de produits destinés à la gamme végétarienne McPlant. L’autre partenariat signé l’a été avec Yum’s Brands, un des leaders mondiaux de la franchise en restauration (KFC, Taco Belles, Pizza Hut…) pour la fourniture de “poulet” végétal et autres saucisses.
Comme McDonalds, Yum’s teste les produits de Beyond Meat depuis plusieurs mois aux États-Unis. En outre, entrée en fanfare à la bourse de New-York alors qu’elle n’avait jamais dégagé un bénéfice, Beyond Meat a annoncé procéder également à une augmentation de capital pour une valeur de 750 M$. Son concurrent, Impossible Food, a largement occupé l’actualité du secteur début février en annonçant réduire aux États-Unis le prix public de ses produits de 20 % pour se rapprocher du coût de la viande. Toutefois, toujours aux États-Unis, les consommateurs payent encore le double pour un burger végétal en lieu et place d’un steak haché de bœuf. Mais toutes les entreprises du secteur espèrent parvenir à être plus compétitifs que la viande dans les années qui viennent.
Et la viande cellulaire ?
Si les start-up du végétal sont devenues, pour certaines, des licornes avec des capitalisations en centaines de millions de dollars, il reste encore des “jeunes pousses” pour venir tenter de bousculer le marché. C’est le cas de Refined Meat qui a développé un procédé pour produire des burgers végétaux “plus vrais que les vrais” à l’aide d’imprimantes 3D. L’entreprise israélienne vient d’ailleurs de lever 29 M$ auprès des investisseurs pour passer au stade industriel et débuter la commercialisation de ses produits en Israël mais aussi en Suisse et en Allemagne.
D’autres produits “similis” sont aussi en phase de développement, de l’œuf au homard en passant par les fromages sans lait obtenus grâce à des champignons ou des bactéries. Pour le secteur de la viande de laboratoire, de synthèse, comme vous voudrez, on est encore au stade préindustriel. Mais là aussi les levées de fonds sont colossales. L’Européen Mosa Meat a annoncé tout récemment avoir terminé une levée de fonds de série B (de consolidation) de 85 M € avec quelques investisseurs de taille, dont le géant de l’alimentation animale Nutreco. Mosa Meat espère pouvoir commercialiser ses premiers “steaks cellulaires” cette année en Europe pour les restaurants gastronomiques, à condition que le cadre réglementaire l’autorise, ce qui n’est pas acquis pour le moment. En Israël, Aleph Farm avait fait la Une des journaux à l’automne en annonçant la création d’un programme pour aller produire de la viande cellulaire sur Mars, vient d’annoncer avoir produit la première “entrecôte cellulaire”, soit, pour la première fois, de la viande qui n’est pas hachée. Bon appétit !