Parce que rien n’est jamais simple #22 [par Yann Kerveno]

Tout est question de fourchette

Les députés européens ont donc voté, dans les grandes lignes, les objectifs du plan de la commission Farm to Fork. Et ce en dépit de deux études, l’une américaine, l’autre européenne, qui ont exploré l’hypothèse d’une application stricte des propositions de la commission. C’est-à-dire une réduction de l’usage des pesticides de 50 %, de l’usage des engrais de 20 %, des antibios en élevage de 50 %, progression des surfaces bio jusqu’à 25 % de la SAU et 10 % de la SAU en “haute diversité”. Avec un horizon : 2030. Et que donnent les modèles ? Rien de très engageant. Ainsi, les baisses concernent toutes les productions à des niveaux différents, entre – 15 et – 5 %. Dans le détail, les céréales et les oléagineux perdraient un peu moins de 5 % en surface mais pas loin de 15 % en volumes produits. Du côté des légumes et des cultures pérennes le recul atteint plus de 10 %. Du côté des productions animales, le repli atteint 10 % pour les vaches laitières, 14 % pour la viande bovine, un peu plus de 15 % pour les porcs comme pour les volailles.

Des prix en forte hausse

Allant plus loin, l’étude regarde ce qui se passe du côté du commerce net en 2030 et conclut à une dépendance accrue aux importations pour les légumes et les cultures pérennes mais surtout pour les oléagineux, la viande bovine, et la capacité d’exportation se réduit à peau de chagrin pour la viande porcine et la volaille. Le modèle a ensuite donné ses résultats sur les prix et là les augmentations sont pour tout le monde. D’un peu plus de 10 % pour l’ensemble des produits agricoles, à plus de 40 % pour la viande de porc en passant à environ 8 % pour les céréales, 15 % pour les légumes et autres produits de cultures pérennes, près de 25 % pour la viande bovine et plus de 15 % pour la viande de poulet.
Du côté de la rémunération des producteurs, les céréaliers, les producteurs d’oléagineux, de poulet et de lait seraient à la baisse quand les producteurs de légumes, bovins et porcs, mais aussi caprins et ovins, y gagneraient. Reste à voir comment tout ceci sera implémenté dans une nouvelle PAC déjà bien ficelée.

La famine au Sri Lanka ?

Prenons maintenant le temps d’un petit voyage jusqu’au Sri Lanka. Voici quelques jours, le gouvernement de l’île a promulgué l’état d’urgence alimentaire en raison des risques de spéculation et pire, de famine. Que se passe-t-il ? Il y a déjà une crise économique importante à cause de la Covid et les prix des aliments (sucre, oignons, lentilles) ne cessent d’augmenter…
Bref, c’est compliqué. Et ça va l’être un moment parce que le gouvernement sri lankais a pris une décision radicale en avril dernier, l’interdiction des engrais chimiques et des pesticides pour aider au développement de l’agriculture biologique. On y attend les récoltes, elles seront en baisse de 15 à 30 % minimum. Il faudra donc peut-être importer de la nourriture, mais c’est l’industrie du thé (plus d’un milliard de dollars) qui explique que le marché du thé bio est encore tout confidentiel. Et qu’ils devront donc vendre les feuilles bios, qui coûteront plus cher à produire, au prix du conventionnel.

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