Menaces sur les ASA [par yann Kerveno]

Le plan Eau du Gouvernement sera en grande partie financé par les Agences de l’eau, qui vont augmenter les redevances des utilisateurs…

Ce n’est rien de moins qu’un étau aux fortes mâchoires qui se présente aujourd’hui face aux associations syndicales autorisées (ASA) du département. La première des mâchoires, c’est le fameux Plan eau du Gouvernement présenté cet été par le président de la République. S’il est doté d’un ambitieux budget, 400 M €, il sera financé en grande partie par les Agences de l’eau dont les ressources sont majoritairement constituées des… redevances prélevées sur les utilisateurs. Redevances qui seront donc augmentées d’autant pour mener à bien ce vaste chantier. Pour les ASA du département, le risque est grand que la pilule soit trop grosse à avaler.

“On entend dire que les redevances pourraient être multipliées par deux pour les réseaux gravitaires et jusque par quatre pour les réseaux sous pression” détaille Sandrine Jaffard, directrice de l’Union de canaux de l’aval de la Têt. “C’est complètement aberrant, les réseaux sous pression payent déjà deux à trois fois plus cher que les réseaux gravitaires alors que ce sont ceux qui font le plus d’économies !” Par exemple, le canal d’Ille, qui irrigue 800 hectares en gravitaire, règle une redevance de 17 000 euros par an à l’Agence de l’eau.
Pour le canal de Corbère, qui irrigue 1 200 hectares dont une grande partie de réseaux sous pression, la facture s’élève à 65 000 euros. “Je ne vois pas comment nous pourrions suporter de voir cette facture multipliée par quatre” ajoute-t-elle. D’autant que la deuxième mâchoire est bien là, c’est la facture d’électricité dont les prix ont flambé ces derniers mois. “En fin d’été, nous avons plus dépensé que pour toute l’année dernière, soit environ 150 000 euros pour le canal de Corbère” ajoute-elle.

Plusieurs millions d’euros

Pour autant, en dépit de ces menaces et des difficulté, l’année aura été riche d’enseignements (nous y reviendrons prochainement) et le canal de Corbère pense déjà à l’étape d’après. Comment faire mieux ? “Nous réfléchissons à passer à un système connecté et centralisé pour gérer le réseau dépendant du canal” explique-t-elle encore. Un système qui attribuerait à chaque agriculteur un stock d’eau, celui dont il a besoin pour ses cultures, qu’il pourrait gérer à sa guise depuis son smartphone. “Cela nous permettrait, entre autres, de faire baisser les surconsommations d’électricité” mais aussi les surconsommations d’eau, en couplant le système avec des compteurs qui permettraient de détecter les fuites très rapidement. Au prix d’un investissement de plusieurs millions d’euros qui reste à boucler.


De pire en pire ?

La pluie ne venant toujours pas, la situation de cette mi-octobre est, à bien des égards, plus préoccupante que celle d’avril dernier à l’heure de la mise en place des toutes premières restrictions. Si le lac de Vinça devait être vide le 15 octobre, une dérogation a été accordée pour conserver un peu d’eau jusqu’à la fin du mois d’octobre afin de continuer à laisser l’eau circuler dans les canaux. Demande a été faite pour que cette dérogation soit prorogée jusqu’à la fin du mois de novembre. Les restrictions n’ayant jamais été levées, les canaux continuent de fonctionner selon les tours d’eau établis au printemps, trois jours d’eau puis six jours de coupure pour les réseaux gravitaires, trois jours d’eau par semaine pour les réseaux sous pression pour limiter les risques de casses matérielles sur les installations. Tant que l’eau circule dans les canaux, les nappes, au plus bas dans le département, profitent. Mais combien de temps cela peut-il durer ? “Tant que le débit réservé, autorisé à 600 litres seconde par un arrêté préfectoral, qui a de nouveau été attaqué par France Nature Environnement, n’est pas en jeu” précise Sandrine Jaffard. Le débit naturel de la Têt ne cessant de se réduire, la situation pourrait donc très vite se dégrader dès la fin novembre sans pluies significatives.

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