Meilleur Ouvrier de France, Henri Poch, le boulanger passionnant et passionné ! [par Thierry Masdéu]

Rencontre à Ille-sur-Têt, dans une boulangerie atypique, “Le Couvent” avec Henri Poch, fils et petit-fils d’artisans boulangers qui, à son tour, a su transmettre passion et savoir-faire traditionnel à son fils Quentin, prêt pour la relève.

SI pour le commun des boulangers certaines activités ne peuvent être maîtrisables, comme le choix des céréales et l’élaboration des farines, un artisan roussillonnais en a déjà pourtant fait, depuis quelques années, son cheval de bataille, bottant définitivement en touche, pour l’ancien rugbyman qu’il a été, cette expression féodale “Ne pas pouvoir être au four et au moulin”. Une alliance qu’il a fait sienne, tout en respectant les temps nécessaires et incompressibles pour combiner l’excellence des deux. Recherches et choix d’anciennes variétés de blé, confection des farines, longues fermentations, le tout pour une panification de pains à l’ancienne, gastronomiques, digestes et à haute valeur nutritionnelle. Reconnu en août 2000 par ses pairs comme “Un des Meilleurs Ouvriers de France” (MOF)* dans sa catégorie, il reste encore à ce jour l’unique artisan boulanger des P.-O. à pouvoir se vêtir de la veste blanche au col des couleurs de cette prestigieuse distinction.

Comment devient-on “Un des Meilleurs Ouvriers de France” dans la catégorie boulangerie ?
Henri Poch. Comme dans toutes catégories de métiers, cela représente près de 2 ans de préparation en amont du concours. Il faut travailler tous les points faibles, renforcer les forts et acquérir le maximum de connaissances pour être opérationnel le jour de l’épreuve. De par mon expérience, je maîtrisais déjà pas mal de techniques en viennoiseries et de panifications comme celles des fermentations. Le pain au levain, c’était un peu nouveau à l’époque alors que, pour moi, c’était déjà du quotidien. Par contre, ce que je ne maîtrisais pas du tout, c’était la création de pièces artistiques. Et là, il a fallu faire des stages et bosser énormément sur ce sujet ! 

Pourquoi avoir entrepris cette démarche ?
Je recherche toujours la perfection dans les produits, enfin du moins, j’essaye de m’en rapprocher. Alors, j’ai affronté ce concours avec la gagne, comme pour remporter un match, mais surtout j’avais besoin de savoir jusqu’où mes compétences pouvaient aller, avoir un repère de mon niveau, de mes limites !

Henri Poch et ses pains à l’ancienne à la farine de blé du Barbu du Roussillon.

Cette reconnaissance de MOF vous a-t-elle amené un plus de clientèle ?
Au tout début non, car il y a 20 ans, les distinctions de MOF étaient beaucoup moins médiatisées qu’elles le sont actuellement avec les émissions de prime time télévisées. Cela restait plutôt dans un cadre de reconnaissance entre professionnels et parfois, ce qui est regrettable, avec certaines petites jalousies. Mais par la suite, oui, bien sûr, la clientèle a répondu présente et surtout lorsque l’on s’est installé ici en 2008, dans ce lieu atypique pour créer cette boulangerie “Le Couvent”.

Aujourd’hui, vous êtes devenu un référent, un moteur pour la profession ?
L’avantage d’avoir décroché ce titre m’a permis de voyager et de faire des rencontres avec des personnes qui œuvrent dans l’excellence. Et, bien évidemment, lorsque l’on est bien entouré on progresse plus vite. Ils sont aussi devenus des amis et nous avons fondé une association “Les Ambassadeurs du Pain”**. Car l’intérêt pour la profession c’est d’échanger et partager ce savoir, lors de formations ou de démonstrations comme celle qui s’est déroulée ici il y a deux semaines, avec le spécialiste des viennoiseries, Sébastien Lagrue, qui a été sacré champion du monde de la chocolatine. Tout cela réclame aussi beaucoup de temps, de bénévolat et de déplacements, comme pour la préparation du concours “Mondial du Pain” qui a eu lieu en octobre dernier.

Choisir ses céréales et élaborer ses farines, c’est un privilège ?
Effectivement et je dirais plutôt une force, mais il est important de rappeler qu’avec des farines issues de variétés anciennes de céréales, la panification reste sensible et les pâtes ne supportent pas trop de pétrissage. Sans oublier qu’il faut les travailler au levain car, à lui seul, c’est un améliorant naturel. Je regrette que beaucoup d’artisans aient tendance à abandonner cette technique du levain et je constate que ce sont souvent des personnes qui viennent sur les formations pour une reconversion professionnelle qui adoptent plus aisément cette méthode de panification.

Investi par la passion de son métier et très courtisé pour ses connaissances, Henri Poch reste en toute modestie un personnage accessible, attachant et charismatique.

* https://www.meilleursouvriersdefrance.info/accueil.html#page4
** https://www.ambassadeursdupain.com/
Contact : Henri Poch – Le Couvent : 04 68 84 15 65 – https://www.boulangerie-lecouvent.com/

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