Lettre à Olivier Véran à propos de la santé des Français [par Jean-Paul Pelras]

Monsieur le ministre,
une fois que vous en aurez terminé avec le moral des Français qui s’effondre de jour en jour au gré des annonces de plus en plus coercitives et anxiogènes, pourriez-vous enfin vous occuper de leur santé.
Je veux dire par là, de celle qui les concerne au quotidien avec des pathologies plus ou moins graves et des prises en charge devenues, la plupart du temps, bien aléatoires. Vivant dans un petit village perché au bout d’une route de montagne, c’est précisément sur l’isolement des zones rurales que je souhaite vous sensibiliser.

Vous ne le savez peut-être pas, vous qui officiez du côté de Lutèce, mais ici nous n’avons plus qu’un seul médecin pour toute la vallée. La première clinique encore en activité (mais pour combien de temps ?), celle de Prades, ville administrée par Jean Castex jusqu’en juillet 2020, se situe à plus d’une demi-heure de chez nous et à trois quarts d’heure du village suivant. Depuis des années, on ne nait plus dans notre sous-préfecture et de nombreuses interventions s’effectuent désormais sur Perpignan, à une heure ou deux du haut pays. L’impact sur l’économie est bien évidemment significatif, puisque nos territoires ruraux s’étant progressivement transformés en déserts médicaux, les communes se vident et seul le secondaire parvient à attirer 15 jours par an quelques téméraires chalands.

Plus globalement, Monsieur le ministre, j’avoue ne pas comprendre pourquoi nous ne pouvons plus nous faire soigner convenablement en France. Pourquoi de plus en plus de communes rurales se retrouvent sans médecin là où il y en avait encore deux ou trois voici quelques années ? Pourquoi faut-il attendre des mois pour obtenir un rendez-vous médical, pour passer un examen, pour se faire opérer ? La crise sanitaire ne peut tout excuser. Et je ne reviendrais pas ici sur les multiples dommages collatéraux, parfois mortels, qu’elle a pu indirectement susciter auprès de patients qui ont vu leurs prises en charge reportées sine die. Les chiffres, sur ce point, sont peut-être, en ce qui vous concerne, plus difficiles à communiquer…

En avril 2022, vous passerez la main et vous passerez à autre chose. Un autre ministre reprendra le flambeau. Il n’aura, à bien y regarder pas plus que vous, la moindre obligation de résultats. C’est ce que l’on appelle la continuité de l’État. Les Français lui demanderont alors pourquoi nous avons perdu presque 100 000 lits en hospitalisation complète en deux décennies, passant de 488 710 en 1998 à 386 835 en 2020, année où, malgré le contexte sanitaire et sous votre autorité, 5 700 lits ont encore été supprimés. Comme vous, votre successeur évoquera les progrès de la médecine, les techniques chirurgicales modernes, la réduction du temps d’hospitalisation, les traitements en ambulatoire, le maintien à domicile… De leur côté, les soignants, ceux que l’on applaudissait et ceux que l’on licenciait, mettront, une fois encore, en avant un manque croissant de personnel, des services sous tension, un déficit de reconnaissance, des situations de plus en plus compliquées, des métiers de moins en moins attractifs, des rémunérations insuffisantes, des conditions de travail éprouvantes… Dans le même temps et en une vingtaine d’années, nous serons passés de 60 millions à 67 millions d’habitants.

Allez-vous encore longtemps, Monsieur le ministre, Messieurs les ministres, patauger dans le déni ? Allez-vous encore longtemps ignorer cette pénurie de soins qui gangrène le secteur de la santé ? Allez-vous encore longtemps imputer aux Français la responsabilité d’une situation sanitaire dont la principale cause est due à un manque d’ambition politique et à une économie de moyens ?
Parce que, pendant que vous tapez en touche, les salles d’attente se remplissent, certains patients abandonnent et ne se font plus soigner, les personnels de santé changent de métier, les services ferment, les territoires ruraux sont de plus en plus dépeuplés… Et les ministres passent impunément, avec leur incurie, leur suffisance et leurs actes manqués.

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