Lettre à Fanny (Par Jean-Paul Pelras)

Mademoiselle,

nous nous sommes croisés quelque fois en apostille de ces chemins communaux où, en tout bien tout honneur, avec une sémillante bordée de compatriotes désormais plus adeptes de la cochonaille que de la cochonceté, nous cherchions à côtoyer le cochonnet. Entre deux « pets de vieilles », quelques « retropissettes», « casquettes », pitoyables « raspailles», ou autres chastes « sautées » nous obtenions parfois l’insigne privilège de pouvoir vous embrasser.

De ces déculottées, je garde le souvenir d’une muse carénée Botero dont les formes généreuses étaient proportionnelles au score qu’inflige le redoutable treize-zéro. En ces temps-là, chère Fanny, nous pouvions encore vous aborder visage découvert sans risquer la contravention et l’admonestation du prévôt ou des gardes du cardinal de faction. Souvenez-vous, nous allions libres et heureux en espadrilles, nous buvions des « coquetelles » ou des demi-panachés en attendant le bal, les garçons regardaient passer les filles, hannetons et papillons de nuits dansaient sous le cocon des lampadaires, les vieux prenaient le frais devant les portes moustiquaires…  

C’est là que, vers neuf heures du soir, entre l’église et le bistrot, un gilet jeté sur les épaules, chacun venait régler ses comptes en économisant les mots, en préférant au coup de gueule l’effroyable sentence du carreau.

Comme je vous le signifiais dans une de mes précédentes correspondances épistolaires, je gite durant l’été sur l’Aubrac où il m’arrive, le soir venu, de croiser le fer avec quelques sympathiques et non moins impitoyables adversaires. L’un d’eux, dont le surnom emprunte au héros d’Hergé, tient même, chère pastourelle, un répertoire qui vous est religieusement dédié, où il consigne le blase de celles et ceux qui furent contraints de vous biser.

La somme de ces carnets pourrait, d’ici quelques décennies, renseigner le chaland sur l’affection que vous témoignait ici, peut-être à son corps défendant, l’autochtone pressé d’aller courtiser votre séant. « En le voyant passer, j’en eus la chair de poule, enfin je vins au monde et, depuis, je luis voue, un culte véritable. Et quand je perds aux boules en embrassant Fanny je ne pense qu’à vous … » nous disait Brassens dans sa « Venus callipyge ». Nonobstant les égarements suscités par cet affriolant vertige, sachez, tendre ingénue, que nous nous sommes toujours demandé à qui pouvait bien ressembler la dite jeune fille équipée de si troublantes vertus.

Les temps qui vont nous privent hélas de ces réponses qui font le sucre et le sel de nos pétanqueuses pénitences. Je vous laisse donc ici, chère Fanny, pour quelques jours de vacances.

Et avec vous celles et ceux qui doivent se demander pourquoi cette énigmatique correspondance. A moins qu’il ne s’agisse tout simplement, adressée à ceux qui dirigent la France, d’un petit billet anatomique de circonstance.

Jean-Paul Pelras

 

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