Et si la dette n’existait pas ? (Par Jean-Paul Pelras)

Entre financement des mesures exceptionnelles et baisse des recettes fiscales, le coût de la crise sanitaire devrait avoisiner 424 milliards d’euros à minima si l’on s’en réfère à une déclaration d’Olivier Dussopt, ministre des Comptes publics, datant du mois d’avril.

Qui remboursera la dette ? Une question qui, pour emprunter à un adage de circonstance, semble passer par pertes et profits tant elle est éclipsée derrière le grand écart de l’info allant des JO de Tokyo au « pass » réclamé dans les bistrots. Une interrogation qui risque pourtant de revenir en force dès la rentrée, avec des réformes structurelles comme celle concernant le report de l’âge de départ en retraite ou encore la maîtrise des dépenses dans le secteur public.

Si le gouvernement n’envisage « officiellement » aucune majoration d’impôt, y compris sur les « capitaux », la hausse devrait pourtant se vérifier mécaniquement avec celle de la TVA sur la quasi-totalité des produits de consommation. Des augmentations que nous constatons sur nos factures d’électricité, mais aussi à la pompe et jusque dans les chariots de supermarché avec une flambée du coût des matières premières suscitant au passage des ruptures d’approvisionnement dans l’industrie, l’agriculture, l’artisanat…

Le contribuable, même si l’Etat s’en défend, sera donc bien évidemment de plus en plus sollicité. Et les aides, qu’elles soient versées aux entreprises comme aux particuliers, finiront tôt ou tard par revenir dans l’économie, donc dans l’impôt, donc dans le remboursement d’une « dette placebo ».

Pourquoi placebo ? Parce que l’argent n’existe pas, si ce n’est à la sortie des planches à billets. D’où les centaines de milliards, et pourquoi de milliers de milliards, soudainement issus du chapeau alors que l’on nous demandait d’économiser quelques millions par ci par là voilà encore quelques mois afin de sauver le pays de la faillite et du fiasco.

L’échelle des valeurs

Pierre Daninos écrivait dans « Les nouveaux carnets du Major Thompson » : « Sachant qu’un corps est constitué de 90 % d’eau. Comment demander à 90 % d’eau de payer un tiers provisionnel… ? » Une métaphore qui nous dirige, en quelques sortes vers le métier. N’importe quel produit de consommation mis sur le marché peut être côté en bourse, valoir 10 le lundi et 30 le mardi. Cette hausse est corrélée à l’offre et à la demande. La Banque centrale européenne, en fabricant de l’argent pour circonscrire l’incendie, mise sur les générations futures pour rembourser la dette. Ce qui va forcément accélérer l’inflation et, de facto, susciter des turbulences sociales. Elle peut aussi, plus ou moins implicitement, décider d’effacer cette créance. Ce qui entraînerait une dégradation immédiate de la confiance des banques envers les Etats et un effondrement des valeurs boursières.

Prenons, pour comprendre ce que vaut l’argent, un autre exemple. Celui de ces villageois qui dans le film « Crésus », d’après Giono et interprété par Fernandel, trouvent tous les matins une liasse de billets devant leurs portes. Il se méfient, essayent de savoir qui l’a déposée là, la mettent de côté ou l’utilisent pour acheter ce dont ils ont besoin. De jour en jour ils thésaurisent, restent chez eux, surveillent les billets et arrêtent de travailler. Point commun entre la fiction et la réalité : l’argent est faux …

Imaginez 8 milliards d’individus à qui l’on apporterait leurs liasses quotidiennes. Imaginez, l’échelle des valeurs ayant subitement disparue, une population mondiale dispensée de travail ! Et bien, du jour au lendemain notre civilisation connaîtrait un effondrement à la fois inédit et catastrophique car plus personne ne produirait quoi que ce soit. A bien y regarder, cette forme d’accoutumance encouragée par le levier des solidarités, existe déjà. Mais il s’agit (soi-disant) d’un autre débat….

Si l’on efface la dette d’un trait de plume, celui qui travaille peut légitimement prétendre à la même indulgence. Comment la lui refuser ? Si ce n’est, tout simplement, en lui faisant croire qu’aucune dette ne peut jamais être effacée.

Allez, en attendant passez un bel été.

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