Lettre à ceux qui ont foutu le “bordel” [par Jean-Paul Pelras]

Si j’essaie, dans mes correspondances hebdomadaires, de rester courtois et révérencieux à l’endroit de mes destinataires, j’ai décidé, cette fois-ci, d’emprunter à leur prose et à leurs versets. Le terme “bordéliser” ayant été abondamment usité ces derniers temps pour qualifier l’attitude et les mots de certains parlementaires, sur les bancs comme à l’extérieur de l’Assemblée.
Pour procéder, je ne désignerai implicitement aucun parti, aucune formation. Vous êtes tous, absolument tous, responsables de cette chienlit, de cette margaille, de cette anarchie, de ce foutoir, de ce boxon. Les uns, car cette réforme mal préparée devait immanquablement susciter d’énormes tensions eu égard à l’immédiateté de son application et au contexte socio-économique que nous sommes en train de traverser. Les autres car, pitoyables stratèges, vous avez laissé filer, en créant la confusion, la possibilité d’échanger sur le principal article en gestation, celui qui concerne bien évidemment le passage de 62 à 64 ans.

En invectivant le gouvernement, vous avez exacerbé le culte de la persécution et ceux que vous êtes venus accuser sont, in petto, devenus les victimes de vos réquisitoires, de vos calomnies, de vos diffamations.
Débraillés, grossiers, promoteurs d’idéaux qui n’avaient rien à faire dans ce débat, vous avez confondu le Palais Bourbon avec une kermesse, un festival, une cour de récréation. Vous êtes des joueurs de billes et c’est aux osselets que vous venez de brader les valeurs de nos instituions. De gauche, de droite, aux extrêmes, en marche ou à l’arrêt, vous vous êtes livrés à un spectacle pitoyable. Vous n’êtes pas digne du mandat que le peuple vous a confié et encore moins des rétributions dont vous bénéficiez, à bien y regarder, pour rivaliser de bêtise et de stupidité. Car, voyez-vous, on ne s’improvise pas trublion à l’Assemblée comme le fit, avec ce talent dont vous n’êtes de toute évidence pas du tout équipés, Jean Lassalle lorsqu’il entonna un chant régional pour se faire entendre et écouter.

Comment voulez-vous, en effet, juguler l’abstention en faisant preuve de tant d’irresponsabilité ? Qui confierait à l’ouvrier, car vous êtes nos ouvriers puisque nous vous payons, l’outil qu’il va s’employer à saccager ? Cet outil que vous méprisez pour les uns à coup de 49-3, de 47-1 ou de je ne sais quel dispositif fourni par la Constitution. Cet outil dont vous privez, pour les autres, le peuple français, qu’il soit ou non favorable à la reforme proposée (ou imposée) par le gouvernement Macron. En précipitant la cacophonie, vous avez discrédité un mouvement syndical qui, semaine après semaine et, il faut le reconnaître, dans la dignité, a exprimé et exprimera certainement encore massivement son mécontentement sur le pavé.
Oui, en foutant le bordel, vous avez tout foutu par terre. Les uns en provoquant, les autres en se laissant délicieusement provoquer, vous resterez, qui que vous soyez, éternellement responsables de vos actes manqués.

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