Autosuffisance en conserves et surgelés : “Les légumiers de demain” se mobilisent ! [par T. Masdéu]

À l’heure des bilans, l’UNILET, Interprofession française des légumes en conserve et surgelés, présentait lors d’une conférence de presse à Paris, le 9 février dernier, une synthèse sur cette filière qui se dit menacée dans sa pérennité, mais engagée pour y remédier avec des solutions…

Entre les différents points analysés, comme la conjoncture économique, énergétique, climatique, ou environnementale, les représentants de cette organisation qui regroupe le CÉNALDI et la FIAC, ont appelé à la vigilance concernant notamment la faible autosuffisance de la production nationale qui ne représente que 40 % de la consommation, le reste étant importé. Un déficit conséquent dans la balance commerciale de ces légumes destinés à l’industrie qui présente, pour 2022, un manque à gagner de – 260 millions d’euros. Soit un déficit 4,5 fois plus important qu’en 2002, exercice qui affichait déjà une perte de – 58 millions d’euros. Une compétitivité qui s’érode depuis 20 ans, au profit d’autres États membres de l’Union européenne, comme l’Espagne, l’Italie ou la Belgique. Pays qui, actuellement, développent significativement leurs exportations, là où la France perd des parts de marché. Un constat majeur qui interpelle Cyrille Auguste, président de l’UNILET et directeur général de Bonduelle Europe Long Life. “Nous voyons que la capacité française à exporter s’est réduite avec – 44 % sur la conserve depuis 2010 et également sur le surgelé, dans une moindre mesure, avec – 14 %”. À titre d’exemple, l’Espagne, en triplant ses exportations depuis 2010, est passée de la 8e à la 4e place pour le haricot surgelé.

De gauche à droite : Cyrille Auguste, président UNILET ; Christophe Basile, président de FIAC et Jean-Claude Orhan, président du CÉNALDI.

“Rester compétitif pour le consommateur, tout en l’étant face aux concurrents européens !” a martelé le président de l’interprofession. Un enjeu et un chantier de taille pour les 16 organisations de producteurs et 24 sites industriels de la filière, qui doivent faire face à de multiples impédimentas. Notamment comment maintenir l’attractivité de ses productions légumières ? Et enrayer une désaffection dans leurs rangs de certains des 4 500 agriculteurs qui se tournent vers d’autres cultures moins risquées, comme les productions céréalières, plus rémunératrices et dont les cours ont atteint dernièrement des niveaux historiques. Ou encore, comment assumer la hausse exponentielle des coûts de productions (voir encadré) ? Mais aussi, comment préserver les rendements de plus en plus aléatoires des récoltes face aux aléas climatiques et maladies des plantes ?

Évolution des coûts de production par rapport à 2021 
• Coût des engrais : + 75 %.
• Coût du gazole non routier : + 66 %.
• Coût de l’énergie : + 165 %.
• Coût des emballages :
– acier : + 24 % ;
– carton – papier : + 23 % ;
– matières plastiques : + 15 %.

Consommation française
• 95 % de foyers français consomment des légumes en conserve.
• 84 % de foyers français consomment des légumes surgelés.
• L’ensemble de ces consommations sont faites au moins une fois par semaine pour plus d’un Français sur deux.

Menaces sur les usages agronomiques et distorsions européennes

Autant d’interrogations et d’épreuves qui interpellent la profession alors que se profile la fin programmée de certains usages agronomiques. “Concernant la protection des cultures, 99 % des 77 usages agronomiques majeurs que nous avons sont menacés par le retrait des produits phytosanitaires et 70 % des substances actives dont nous disposons, sont menacées par un retrait dans les deux années qui viennent !” a souligné Jean-Claude Orhan, président du CÉNALDI et administrateur au sein du groupe D’aucy. Et ce responsable de rappeler : “On le dit depuis très longtemps, mais je vais le redire car c’est très important, nous devons aussi faire face à une lutte qui est inéquitable, avec des distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne. Nous demandons que les agriculteurs français soient traités sur les mêmes bases que les autres agriculteurs européens sur les produits importés et exportés !”

Pour relever tous ces défis, la filière a engagé plusieurs actions afin de trouver des solutions alternatives, comme dans la recherche et l’expérimentation, qui représentent les trois quarts de son budget. Elle compte également sur le lancement, en 2021, d’une démarche de responsabilité sociétale “Les Légumiers de demain” qui s’appuie sur les piliers fondamentaux affichés par la filière : l’environnement, l’économique et le social, sans oublier la qualité et la nutrition.

Retrouver la capacité de production et de consommation

Un travail collectif et collégial, à objectif 2027, matérialisé par dix engagements qui vont s’opérer entre les producteurs et les transformateurs. “Nous sommes conscients que nous avons aussi notre rôle dans la façon d’adresser les challenges et défis auxquels cette filière est confrontée, parce qu’elle a de l’avenir !” témoigne avec force Cyrille Auguste. “Et tout l’enjeu de cette démarche durable des Légumiers de demain consiste à accomplir notre part pour résoudre les problèmes, le faire-savoir et faire appel aux supports de la force publique pour pouvoir nous accompagner et nous soutenir dans cette démarche !”

Un des derniers points qui a été abordé a fait état de la préparation du plan de souveraineté alimentaire, annoncé le 16 mars 2022 par le gouvernement. Un plan de reconquête à horizon 2030 sur les fruits et légumes auquel l’UNILET a été associé dans son élaboration et qui devrait être dévoilé dans les prochains jours, lors du Salon de l’agriculture à Paris. “Dans l’exercice qui nous a été demandé, nous nous sommes appuyés sur deux ambitions : la première, reconquérir des capacités productives que nous avons fixées à celles que nous disposions il y a 10 ans et la deuxième, augmenter la consommation des plus petits consommateurs d’une portion de 100 grammes de légumes par jour à l’horizon 2030” a relaté pédagogiquement Cécile Le Doaré, directrice générale d’UNILET, concluant : “Globalement, ces deux objectifs cumulés représenteront une capacité productive en production et transformation de 200 000 tonnes ! Pour vous donner un ordre de grandeur, actuellement, notre capacité annuelle est de plus de 600 000 tonnes !”

Des mesures très attendues de ce plan de souveraineté fruits et légumes, que la filière souhaite voir accompagnée de moyens à la hauteur des ambitions affichées par le ministre de l’Agriculture.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *