“Oui, les écologistes sont responsables des difficultés des agriculteurs” (en réponse à MM. Gatineau et Jancovici) [par J-P Pelras]

Lundi 8 février, je publie une tribune dans Le Point, qui fera également l’objet d’un éditorial dans L’Agri, intitulée “Les écologistes sont en train de déconstruire l’agriculture française”. En quelques heures, l’article passe en tête des partages et en troisième place des lectures sur le baromètre de la publication nationale. Les réseaux sociaux moulinent, sur Twitter, Facebook, sur le forum du journal, les contributeurs échangent, commentent, font vivre la publication.

Le 14 février, le journal Marianne, en ciblant nommément le titre, accorde une tribune à Christophe Gatineau intitulée : “Non, le Point, les écologistes ne sont pas responsables des difficultés des agriculteurs”. Cité personnellement plusieurs fois de façon peu amène, je cherche donc à savoir qui est ce monsieur. J’apprends, tout simplement en consultant Wiki-monde, qu’il est agronome spécialisé en permaculture et agroécologie : “D’une formation initiale en protection des cultures, il sera vacher, berger, photographe, intermittent du spectacle de 1991 à 2005, chef opérateur puis réalisateur.” Auteur de plusieurs ouvrages, en 2018, il signe une tribune dans Le Monde où il réclame un statut juridique pour le lombric terrestre. Nous pourrions rajouter à cette liste de compétences culturelles et champêtres : correcteur, examinateur, personne hautement qualifiée pour s’exprimer sur l’agriculture, tant ce monsieur s’est appliqué à décortiquer et à “réviser” mon texte.

Extrait : “Des écologistes qu’il accuse même de vider les étables ! Ce sont ses mots. J’ignorais que les écolos fixaient le prix du lait ou du kg de cochon en France… Ou bien, il les accuse de tabasser les agriculteurs, l’exceptionnel et l’intolérable devenant le cas général. Bref, les écologistes seraient le mal agricole, le poison de l’agriculture. Un propos sans nuance.”
Une version “sublimée” qui, finalement, n’est pas pour me déplaire tant elle correspond à ce que je pense vraiment. Ce monsieur s’est, en quelque sorte, transporté au bout de ma pensée. Et je tenais à lui faire part ici de toute ma gratitude car, oui, effectivement, pour emprunter partiellement au titre de sa tribune, les écologistes sont bien, à mon sens, “responsables des difficultés des agriculteurs”. N’en déplaise à Jean Marc Jancovici, ingénieur, enseignant, conférencier, membre du Haut conseil pour le climat, fondateur du cabinet conseil Carbone 4 et pressenti un temps pour accéder au gouvernement Borne, qui publia un tweet de soutien à la tribune de monsieur Gatineau.

Le mutisme des syndicats

Me voilà torpillé de toutes parts, comme je le fus la semaine précédente par le député mathématicien Cédric Villani, célèbre pour sa médaille Fields, son nœud papillon et sa broche araignée. Lequel, évoquant sur Twitter une de mes correspondances précédentes, prit fait et cause pour la présentatrice météo qui suggérait à 5,6 millions de téléspectateurs de ne pas manger de viande. Une mobilisation écolo-médiatico-scientifitique qui fait boule de neige et me relègue, ad vitam aeternam, dans le camp des “impurs” avec, entre autres journalistes encore capables de faire la différence entre une moissonneuse batteuse et une tondeuse à gazon, Geraldine Wœssner et Emmanuelle Ducros, quasi systématiquement malmenées par la doxa environnementaliste dès qu’elles ont l’audace de publier un article étayé, documenté, motivé par la seule recherche des faits.

Paradoxalement et alors que l’agriculture est devenue le terrain de jeu des idéalistes, les professionnels du secteur et leurs responsables syndicaux ne se précipitent pas pour nous soutenir. Un mot sur Messenger, un “like” de temps en temps, un petit mail très exceptionnellement… Les journalistes à l’écoute de l’agriculture française seraient-ils devenus plus performants que certains dirigeants agricoles ? L’ombre portée de leurs publications viendrait-elle altérer la complaisance de certains mandats ? Faut-il reconnaître leur travail en coulisses et changer de trottoir dès qu’on les aperçoit ? Car, à bien y regarder, au lieu de lire des tribunes à charge dans Marianne ou ailleurs, nous aurions préféré un peu de soutien, un relais digne de ce nom, des prises de position déterminantes et déterminées qui ne laissent aucune place à l’hésitation, à la condescendance, à l’accortise, à quelques concessions et autres politiquement correctes amabilités. À moins que, de Paris à Perpignan, les responsables agricoles du moment ne préfèrent à l’âpreté de l’affrontement, le confort des accommodements.

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