EELV répond à Jean-Paul Pelras [par David Berrué]
Les lettres ouvertes qu’affectionne votre rédacteur en chef Jean-Paul Pelras sont régulièrement adressées aux écolos. À force de nous sentir visés, nous nous proposons de lui répondre. C’est bien le minimum que puissent faire des écologistes vivant sur le même territoire que lui, surtout après sa dernière chronique dans le Point. Notre propos, ci-dessous, se conclut par un appel au dialogue et pourrait donner lieu à un débat, nous semble-t-il, des plus féconds. Nous sommes à votre disposition !
Cher Jean-Paul Pelras,
Yannick Jadot est en campagne, il s’inquiète des effets des pesticides sur la santé et c’est à se demander de quoi vous parleriez si les écolos n’existaient pas. À chacune de vos chroniques, on croirait les écologistes au pouvoir. Comme si nous décidions des politiques agricoles et environnementales depuis plus d’un demi-siècle. Comme si la mobilisation des écologistes était, à elle seule, à deux doigts de précipiter la fin du monde paysan. C’est le monde à l’envers !
Pour vous, monsieur Pelras, le problème n’est pas le réchauffement climatique mais ceux qui alertent sur ses conséquences et ce qui l’accélère. Le problème n’est pas la dépendance aux pesticides et aux énergies fossiles de notre modèle agricole mais ceux qui invitent à s’en libérer. Le problème n’est pas la viande provenant de l’élevage intensif mais ceux qui préconisent d’en manger moins pour en
manger mieux, en se passant des importations de soja qui participent à la déforestation de la planète. Le problème n’est pas l’agriculture conventionnelle, mais les alternatives en bio, peu importe que près de 30 % de la nourriture aujourd’hui produite de façon industrielle soit détruite et gaspillée.
Pour vous, monsieur Pelras, les écologistes n’ont pas leur mot à dire. Ils doivent se taire. Notre souhait de redonner au travail paysan du sens et de la reconnaissance, notamment financière, pour motiver des vocations ? Fantasmes de bobos urbains qui ne se rendent pas compte combien la terre est basse ! Notre lutte contre l’artificialisation des terres agricoles ? Nos alertes sur la perte de biodiversité ? Manigances de militants n’ayant comme arrière-pensées que la réintroduction du loup et de l’ours, au nom d’une vision romantique de la nature !
Et pourtant, nous autres, écologistes catalans, nous vous aimons bien, Jean-Paul.
Parce que vous parlez comme personne du sécateur à l’arrière de la 4L, de l’étoupe des lointains, du buffet dans la cuisine, du pépé qui ne va pas bien fort, bref, de cette ruralité fière et digne mais abandonnée, méprisée, stigmatisée.
Parce qu’aussi nous partageons quelques-unes de vos indignations. Oui, le monde paysan devrait être au cœur des préoccupations de notre société, l’agriculture au centre des attentions et les efforts de toutes et tous converger pour lui redonner sa place stratégique, sa valeur, sa force. Ce devrait être cela, une société tournée vers l’avenir. Ce que l’on est en droit d’attendre d’un pays encore riche comme le nôtre.
Nous nous retrouverons un jour, peut-être, pour gagner des combats communs. Pour la préservation des terres agricoles, contre l’étalement urbain. Contre la toute-puissance de l’industrie agro-alimentaire et de la grande distribution, les traités de libre-échange favorisant l’importation de denrées exemptes de normes sociales et environnementales.
Nous sommes à votre disposition. Ouverts au dialogue. Prêts à débattre honnêtement. Nous pourrions, qui sait, défendre ensemble la ruralité, l’agriculture, les hommes et les femmes qui en vivent, et que nous chérissons tout autant que vous. Dans l’attente, nous risquons surtout de tout perdre, chacun de notre côté, comme des imbéciles.
David Berrué,
porte-parole du groupe EELV – Pyrénées catalanes