Les “gros mots” de Jean-Paul Pelras : La baffe

Avant de signifier, entre autres termes empruntés à l’argot, la mornifle, la rallonge, la mandale, la limande, le taquet, la tarte, la claque ou la torgnole, la baffe était utilisée en vieux français pour désigner le fagot, le faisceau ou le paquet. Dans le “Dictionnaire Godefroy” on peut lire à ce propos : “Lesquelz compaignons portoient chacun une baffe de jon pour pescher.”

La baffe donc, qui se perd ou arrive à bon port (ou “bon porc”) selon qu’elle soit administrée par des marins ou des wokistes. La baffe de Bayrou à un jouvenceau qui essayait de lui tirer son larfeuil du côté de Strasbourg en 2002 reste, en ce qui me concerne, la plus mémorable, car instinctive et politiquement incorrecte puisqu’elle valut au candidat à l’élection présidentielle une remontée dans les sondages. Depuis, certains l’auront remarqué, celui qui devint ministre à plusieurs reprises et occupe désormais le poste mystérieux de Haut-commissaire au “plan-plan” ne nous a plus jamais vraiment surpris.

Arrive ensuite celle que Lino réserva à Adjani. Ou encore celles offertes gracieusement aux Romains par Obélix, sur le papier depuis plus de 64 ans ou à l’écran par Depardieu notamment. Depardieu, virtuose de la baffe gratifiée en rafales avec une cadence qui force l’admiration dans “La chèvre”, “Les compères” ou “Uranus”, entre autres prestations qui pourraient bientôt disparaître des écrans derrière les couvre-feux d’opinion et quelques pétitions rédigées à la petite semaine par ceux qui se précipitent moins rapidement lorsqu’il faut condamner les artistes abonnés aux bassines de coke et autres écrivaillons ou politiciens post soixante-huitards adeptes de chatouilles prépubères.

Mais revenons à ces baffes reçues voilà déjà quelques décennies au comptoir d’un bal musette parce que, pour emprunter un peu à Brassens, nous avions osé balancer “une louche au valseur” de quelques musquetes. Oui, ces baffes qui, la plupart du temps, se déplacent par deux pour former une paire et défier l’adversaire ou le réduire au silence. La baffe, ce “gros mot” qui fait sourire quand il évoque celles distribuées à l’avenant aux passagers d’un train en partance par Noiret et Tognazzi restés sur le quai dans “Mes chers amis”. La baffe, également usitée pour désigner un petit village vosgien. La baffe qui réveille ou anesthésie. La baffe qui n’obtient plus grâce aux yeux des aseptiseurs de service, des puritains, des métaphrastes, des aristarques et des moralisateurs de faction, car la vox populi bien éduquée lui préfère désormais l’usage, la précaution, le simulacre, la diffamation, la pétition, le procès et la circonvolution. De quoi nous faire regretter les bonnes vieilles baffes d’antan qui étaient à la franchise et au franc-parler ce que la poignée de main était à l’engagement et à la loyauté.

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