Ressource en eau : trois hectares pour tester une nouvelle approche
Patrice Ey et Marc Parayre tentent leur chance auprès du budget citoyen de la Région Occitanie. Enjeu ? La création d’un démonstrateur destiné à tester différentes solutions de filtration et de stockage de l’eau pour gagner en autonomie.
“L’an dernier, j’ai perdu mes 15 hectares de céréales à cause de la sécheresse, j’avais tout préparé, tout semé, je n’ai plus en tête ce que cela m’a coûté mais j’ai tout perdu parce que ce sont des céréales conduites en sec. Si j’avais pu arroser, j’aurai pu récolter quelque chose, mais je ne l’ai pas fait, j’ai attendu en me disant que cela allait finir par arriver, qu’il allait pleuvoir.” L’erreur coûte cher. “En plus, nous sommes soumis aux mêmes restrictions que tout le monde alors que notre nappe, à Torreilles, qui est alimentée par le Karst, est à un niveau correct.” Il faut donc bouger et trouver d’autres solutions…
Si le projet qu’il porte aujourd’hui devant le budget participatif de la Région ne date pas de la dernière pluie, Patrice Ey nourrit toutefois quelques regrets. Mais aller de l’idée à la réalisation demande de l’énergie, du temps, qui lui ont étés fauchés ces derniers mois par un cancer dont il se remet cet hiver. Mais le déclic est venu à la suite des dernières inondations, en 2019. “Nous sommes la dernière exploitation avant la digue qui supporte la route inter-stations, autant dire que dès que ça déborde, tout reste chez nous, sur nos terres, les animaux ont les pieds dans l’eau” explique-t-il, photos à l’appui. “Et toute l’eau qui passe chez nous part ensuite directement à la mer…” Pourquoi alors ne pas en garder une partie ? En particulier celle qui provient d’un lotissement (donc une surface imperméabilisée) tout proche ? Et pourquoi ne pas regarder aussi du côté de la station d’épuration de la station balnéaire ?
La donne a changé
La solution, c’est un système nouveau, à plusieurs étages, qui permettrait de valoriser tant les eaux pluviales, quand il y en a, que les eaux de la station d’épuration, qui n’est pas équipée pour permettre directement la réutilisation des eaux en sortie de station. “Quand on a lancé ce projet, nous avons organisé une réunion publique pour expliquer le concept, tout le monde était là, sauf l’État” souligne-t-il. “Mais visiblement la sécheresse a changé la donne de ce côté-là, aujourd’hui. Ce que nous faisons intéresse.” Le principe, en soi, lui, est simple. L’eau collectée, de pluie ou de la station, est dirigée dans un premier temps vers un bassin d’orage, puis elle est dirigée vers des bassins de phytoépuration dans lesquels ce sont les plantes qui font le travail et piègent les éléments indésirables…
Circulaire
“Il y a aura de l’osier, des bambous et d’autres plantes que nous pourrons utiliser en bois énergie ou en compost” précise l’éleveur. “Depuis 1999, nous sommes passés en bio nous avons cette volonté de faire le plus circulaire possible.” Ensuite, l’eau filera dans des mares puis sera dirigée vers des nappes phréatiques artificielles pour être stockée. Dans le sol donc. “C’est un système développé par Thierry Labrosse, il en a installé des dizaines à Madagascar pour stocker de l’eau potable. Et elle reste potable même après avoir séjourné dans ces nappes artificielles” précise Patrice Ey. “On n’invente rien, mais on va pouvoir tester, évaluer, produire des chiffres, de la connaissance et peut-être que certains procédés pourront intéresser d’autres exploitations, certaines briques du projet être dupliquées ailleurs…”
Sécuriser la ressource
Pour son exploitation, la finalité est multiple. Cela va permettre de sécuriser notre approvisionnement en eau pour l’abreuvement des animaux, pour arroser les semis de fourrages… “Mais ce n’est pas tout, Marc Parayre, qui préside l’association porteuse du projet, veut y mettre en place un rucher permanent, en plantant, avec la possibilité d’arroser, des prairies mellifères pour « boucher les trous » entre les floraisons de tamaris ou de linules visqueuses…” Patrice Ey compte aussi beaucoup sur la biodiversité qui sera attirée par ces mares et bassins, “sur une parcelle de 3 hectares au cœur de l’exploitation…”
Quand il regarde les autres projets du concours*, il y en a 130, il ne peut que soupirer. “Parmi ceux qui sont les plus soutenus, on trouve par exemple la création d’une application qui permet de calculer combien d’émission de carbone on a évité quand on utilise son vélo ou un projet qui consiste à mettre des garages à vélo devant des magasins… On se demande ce qui est vraiment important aux yeux des gens, finalement.”
Yann Kerveno
Sur leur exploitation de Torreilles qui se déploie sur 80 hectares, Patrice et Coraline Ey produisent des volailles de chair et conduisent un cheptel de poules pondeuses et un troupeau de 120 brebis rouges du Roussillon. À Saint-Estève, les deux hectares que compte l’exploitation qu’ils y possèdent sont destinés à la production de légumes et à la ferme pédagogique.