Le retour au piano [par Yann Kerveno]
Avec l’annonce de la réouverture, sous condition, des restaurants, c’est une partie de l’inconnue qui s’efface pour les chefs.
Aux commandes des cuisines du Domaine Riberach à Bélesta pour sa deuxième saison, Julien Montassié attend ce moment avec une impatience qu’il ne cache pas. Même s’il a pour sa part apprécié la coupure. “D’habitude, nous sommes fermés l’hiver, donc le confinement en octobre nous a fait fermer une semaine avant ce qui était prévu. Par contre, c’est l’ouverture ce printemps qui est largement décalée” explique-t-il. Et comment a-t-il occupé ce temps sans perspectives ? “Au début, c’est assez bizarre, j’ai perdu mes repères, je ne savais plus quoi faire de tout ce temps libre !” sourit-il. “Mais on retrouve vite un nouveau rythme, se lever, emmener les enfants à l’école, le ménage le matin et le temps libre, je l’ai occupé à faire ce que je n’ai pas le temps de faire habituellement, je suis allé à la pêche, un de mes dadas…”
A-t-il travaillé ses gammes cet hiver ?
“Non, alors je cuisine à la maison, mais ce n’est pas comme au restaurant, et pour moi, l’inspiration vient sur le moment de toute façon. Cela vient avec les produits” explique le jeune chef à la carrière déjà bien remplie. À 31 ans, il a travaillé chez Gilles Goujon à Fontjoncouse, Chez Michel Troisgros, mais aussi déjà à Riberach en étant second de Laurent Lemal. Il a aussi assumé le rôle de chef pendant deux ans à Host & Vinum à Canet. Mais l’hiver a aussi été occupé à préparer la saison 2021, l’ouverture d’un nouveau restaurant au sein du domaine pour offrir une alternative au restaurant gastronomique, “nous avons pu prendre le temps de réfléchir à tout ça…”
Se sentir bien
Une table qui restera dans l’esprit du lieu et du chef. Des choses simples, locales, des produits de qualité. Pour ses appros, il s’appuie essentiellement sur le local. Pour la viande, il travaille un peu avec Guasch, va développer cette année un partenariat avec la Ferme d’Arsa, à Sournia. Pour les légumes, il “descend dans la plaine” à Ille sur Têt, ou à Néfiach où le jardin des Pipistrelles consacre une partie de ses surfaces à produire spécifiquement pour la cuisine de Riberach. “On travaille ensemble, elle cultive par exemple des cornichons, c’est quelque chose qu’elle n’avait jamais fait, mais nous allons pouvoir faire nos propres condiments” explique-t-il. Caressant l’idée d’avoir peut-être un jour un jardin attaché au restaurant, qui produirait ce dont il a besoin.
Alors aujourd’hui, il ne s’en cache pas, il lui tarde de reprendre, de se remettre à l’ouvrage, toucher les produits, se laisser guider par la saison, l’air du temps et du jour. Il a banni les menus et compose chaque semaine en fonction des produits qui lui sont proposés par ses fournisseurs et rejette l’image des cuisines des gastros où les casseroles volent pour un oui pour un nom. “Ce n’est plus comme ça aujourd’hui dans la majorité des restaurants, heureusement, et c’est un point sur lequel nous sommes très attentifs à Riberach, il faut que gens se sentent bien au travail, parce que c’est important, et aussi parce que ceux qui se sentent bien ont tendance à rester.” Ce qui, en contexte post-Covid, est un élément à garder à l’esprit.