La Tour : couleur café depuis bientôt 100 ans ! [par Thierry Masdéu]
L’entreprise roussillonnaise résiste au contexte économique et adapte son activité en fonction du marché mondial tout en développant la torréfaction artisanale.
Avec une consommation mondiale de café qui, selon le dernier rapport (juin 2022) de l’Organisation internationale du café (ICO), devrait encore augmenter de 3,3 % pour atteindre les 170,3 millions de sacs de 60 kg pour l’année caféière 2021-2022, le grain de café vert reste la deuxième marchandise la plus monnayée au monde après celle du pétrole.
Un piédestal qui confère à cette matière première agricole une position de force, mais aussi de fragilité, avec les récentes spéculations boursières qui affichent au compteur de ces 12 derniers mois, une augmentation proche des 30 % et de 121 % par rapport à la fin août 2019, avant pandémie. Cette volatilité des prix, liée aussi aux aléas climatiques sur les cultures, à la rouille qui a affecté les caféiers, aux conséquences dramatiques de la pandémie qui ont touché le Brésil, la Colombie, ou encore le Pérou, à la période de reprise post-Covid et aux demandes émergentes des pays asiatiques qui commencent à adopter le café comme nouvelle boisson, inquiète les torréfacteurs de café. “Nous pensions que cela s’atténuerait mais, aujourd’hui, les niveaux restent quand même très élevés et il sera très difficile de répercuter décemment ces hausses de matières premières sur nos produits ! Il va falloir attendre début octobre pour être fixé sur la tendance des plateaux boursiers” précise Sophie Fabre, membre et co-créatrice, il y a 15 ans, du “Groupement Émeraude”, une association qui regroupe 33 torréfacteurs régionaux. “La profession en a bien conscience, on ne retrouvera plus les niveaux de prix d’avant Covid et il faudra faire très attention car les contrats que nous passons à plus ou moins long terme arrivent à échéances et les prochains seront à des niveaux que nous n’avons jamais connus !”.
D’autant qu’à cette conjoncture du cours de l’arabica et du robusta, vient s’ajouter la crise énergétique européenne, avec une forte augmentation annoncée pour les prochains mois sur les prix du gaz et de l’électricité. “Actuellement, je suis un peu dans l’expectative, tout comme les fournisseurs d’énergie avec lesquels je suis en pourparlers ! Mais mon objectif est de pouvoir renégocier les contrats afin de minimiser l’impact sur les coûts de production !” relate, avec une pointe d’optimisme, Sophie Fabre qui, depuis 27 ans, a pris le relais à la tête de l’entreprise familiale des “Cafés La Tour”.
Une fabrication locale et à la carte
Un mix énergétique indispensable pour le fonctionnement de cette brûlerie catalane qui célèbrera, en 2023, ses 100 ans de torréfaction à Perpignan, ainsi que les 90 ans de la marque. Année du centenaire qui sera donc placée au fil des mois sous le signe des festivités, mais également sous celui d’une vigilance accrue des marchés et de la gestion de l’outil de production. Des actions que la présidente des “Cafés La Tour” qualifie d’indispensables à la fois pour remercier la clientèle, mais aussi la fidéliser en réduisant les marges commerciales pour ajuster au mieux une augmentation de prix du café qui semble désormais incontournable pour ce dernier trimestre.
“L’autre levier qui nous permet aussi de temporiser et minimiser cette hausse tarifaire est lié à notre capacité artisanale de fabrication à la carte, suivant la demande !” souligne avec fierté Sophie Fabre, qui milite aussi pour un café de qualité, bio et issu du marché équitable. “Grâce à cette méthode de production, nous ne consommons que les sources d’énergie nécessaires au fonctionnement du torréfacteur, des moulins et de la chaîne d’empaquetage que nous avons équipée d’un dispositif d’impression personnalisé. Lequel nous dispense, suivant le type et origines des cafés, d’utiliser plusieurs bobines d’emballages !” Économie d’échelle qui permet aussi, grâce à cette méthodologie de conditionnement, d’assurer dès la torréfaction une mise en sachet plus rapide du café. Un atout qui garantit fraîcheur, conservation et développement des arômes dans le paquet. Mexique, Nicaragua, Pérou, Ethiopie, Honduras, Guatemala, Côte d’Ivoire, Cameroun, etc., quel que soit ses origines, qu’il soit en grain, moulu ou en dosettes papier, le secret des assemblages et de la torréfaction artisanale perpétue ce siècle de notoriété, qui fait des Cafés La Tour, le café d’ici…