La consigne : le bon geste ? [par yann Kerveno]
Timide, le retour de la consigne pour les bouteilles de vin (et de bière) est possible dans la région.
Il est loin le temps de bouteilles étoilées qu’il fallait ramener à la consigne. Quelque part dans les limbes des souvenirs des plus âgés. Ou dans ceux de nos enfants demain ? C’est le pari fait par Oc’Consigne qui cherche à convaincre le monde du vin que la consigne, c’est l’avenir ! Plusieurs domaines ont déjà sauté le pas, comme le domaine de Rombeau, Lafage, Rière Cadène et, dans l’Aude, les vignobles Roux, Ortola et la Famille Fabre. “Pour nous, c’est assez simple à mettre en œuvre” reconnaît Élise de la Fabrègue, à la tête du Domaine de Rombeau, “parce que nos bouteilles sont captives, elles ne quittent pas le domaine en étant consommées dans notre restaurant. Nous ne sommes pas confrontés au problème de la collecte !” Pour sa première campagne, le domaine a embouteillé une douzaine de milliers de cols qui sont stockés et lavés à façon quand les pallox sont pleins.
Attrait économique
“Moins la casse et les bouteilles sorties du domaine, cela arrive, nous allons laver 10 000 bouteilles cette année et nous allons passer à 30 000 ou 40 000 pour l’année 2023-2024.” Si la motivation écologique a présidé à l’engagement du domaine dans la démarche, le marché a donné un petit coup de pouce involontaire… “Nous avons pris la décision au moment où les verriers avaient éteint des fours, le prix des bouteilles était très élevé, donc on s’y retrouvait vite économiquement avec la consigne. Avec le retour à la normale, c’est un argument qui pèsera peut-être moins” estime-t-elle.
Dans l’Aude, à la tête du domaine de la Famille Fabre, Clémence Fabre est sur un autre marché, non captif celui-là puisque les bouteilles partent en distribution, chez Biocoop qui s’est beaucoup penché sur la question du conditionnement du vin. Au total, ce sont 30 000 bouteilles de la cuvée “Le chant de la terre”, déclinée en trois cépages, qui sont entrées dans la démarche. “Biocoop, qui est aussi point de collecte, a joué le jeu et accepté de partager le surcoût” se réjouit-elle, “mais le taux de retour est encore trop faible, peut-être entre 10 et 20 %.” Pas de quoi pour autant décourager la vigneronne qui œuvre par ailleurs au sein de la Convention des entreprises pour le climat…
“Rentable” dès le deuxième lavage
Tout ne se fait pas pour autant d’un claquement de doigts : “Pour entrer dans ce système, il faut changer de bouteille, modifier l’étiquette et la colle employée pour qu’elle se détache, nous appuyons les vignerons pour tous ces chantiers” explique Judith Alexandre, en charge du développement d’Oc’Consigne sur le département des Pyrénées-Orientales et une bonne partie de l’Aude. Malgré le poids de la bouteille, elle est un peu plus solide que la moyenne pour supporter les lavages et pèse 570 grammes, alors que la tendance est aujourd’hui plutôt à passer largement sous les 500 grammes pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, son emploi reste vertueux. “Quel que soit le nombre de kilomètres qu’elle effectue, une bouteille consignée est plus « rentable » qu’une bouteille recyclée dès le deuxième lavage” détaille encore Judith Alexandre. “Laver et réemployer, c’est 79 % d’énergie et 51 % d’eau économisées et 79 % de CO2 en moins.” Et une bouteille peut être lavée une dizaine de fois…
À Lattes, l’usine déployée par Oc’Consigne a une capacité de lavage de 3 500 cols à l’heure et il nous faudrait 100 000 bouteilles par mois pour qu’elle tourne à plein. Bouteilles de vin, de bière ou encore contenants de soupes ! Et que les consommateurs apprennent à reconnaître le logo de la consigne parce que, comme le souhaite Élise de la Fabrègue, “ce système trouvera sa rentabilité par la massification !”