Jacques Puisais, le terroir, le goût, la transmission

Rabelais faisait de Chinon la première ville du monde et Jacques Puisais y a vécu des jours paisibles, entouré des siens, des terroirs, des goûts, des sensations dont il avait les secrets. Il s’en est allé en ce 6 décembre dernier.
Il est des Hommes qui transcendent le temps et laissent leurs traces dans le cœur de ceux qui les approchent. Jacques Puisais étaient de ceux-là. Jacques Puisais était le goût, il était les terroirs de France, il était ces Appellations d’origine contrôlée, il était cette agriculture paysanne, il était cette mémoire vivante de ce que la France porte de savoir-vivre, de ces accords mets et vins, de cette transmission à laquelle il croyait fortement. Il nous a appris à déguster, à tenir ce verre de vin entre le pouce et l’index, pour limiter le sens du toucher du verre en autorisant notre sens du goût à s’exalter et y découvrir les saveurs, les odeurs, afin que l’ensemble de notre être puisse y construire sa mémoire. Et pourtant, ce toucher si fondamental en dégustation, il nous le partageait lors de nos pérégrinations en terre rabelaisiennes, faisant rouler sous nos doigts ces terroirs et y révélant ces liens secrets aux vins qui en étaient issus. Les sens développés dans toute leur splendeur, touchant le plus profond de nos êtres.

Jacques Puisais s’est éteint à 93 ans nous laissant un patrimoine exceptionnel. Né en 1927 à Poitiers, spécialisé en chimie analytique et en œnologie, docteur ès sciences, il fut un des pionniers de l’éducation au goût à tel point qu’il fonda l’Institut français du goût en 1976, désormais l’Institut du goût. Jacques Puisais était aussi de tous ces vignobles. Il avait entre autre présidé l’Union nationale des œnologues, l’Académie internationale du vin, président fondateur de l’académie Amorim, membre de l’INAO, Chevalier de la Légion d’honneur, sa vivacité n’avait d’égale. D’une gentillesse, d’une simplicité, d’une humilité, d’une humanité, Jacques Puisais était de ces belles rencontres que l’on ne fait que trop peu de fois dans une vie. Il était une étoile posée sur le chemin de ceux qui ont eu la chance de le rencontrer, des plus grands de la gastronomie, au-delà même de nos frontières, aux plus simples. De ce beurre posé sur une tartine qui permettait de tapisser l’estomac avant le repas, à cette tomate qui timidement filait en douce sous le vin dégusté et qui révélait ses saveurs paisiblement en se mariant à cette viande sous laquelle les papilles s’émerveillaient, Jacques Puisais était de tous ces goûts, de tous ces sens.
La Pontife Bacbuc de Rabelais disait : “Jadis, un capitaine juif, docte et chevaleresque, conduisait par les déserts son peuple qui était dans une extrême famine ; il obtint des cieux la manne, qui leur parut, par imagination, avoir un goût tel qu’ils crurent réellement manger de la viande. Ici, de même, en buvant de cette liqueur mirifique, vous sentirez tel goût de vin que vous aurez imaginé. Or, imaginez et buvez.” Jacques Puisais était un guide, un créateur de mémoire gustative, une lumière sur notre chemin, un gardien de ce bien manger, de nos savoir-faire, de nos traditions, de nos terroirs, de notre goût et sa Lanterne continuera à briller au fond de chacun de nos cœurs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *