Incompréhension… [par Jacqueline Amiel Donat]
J’avoue que je ne comprends pas et que je ne sais pas. Je ne comprends pas que lorsqu’une solution existe, celle-là même qui était espérée par tous il y a plus d’un an, elle soit aujourd’hui rejetée par un certain nombre qui en redoutent la nouveauté. Je ne comprends pas comment entre la contagion – dont la certitude est aujourd’hui établie – et le vaccin – dont la garantie ne peut jamais être à 100 % – on puisse encore hésiter. Ce n’est pas une critique, c’est une incompréhension de ma part. Un peu comme lorsqu’avec mes petites filles nous regardons le Dvd des “Croods” (afin de nous mettre à jour pour la suite au cinéma), nous nous étonnons ensemble de la réaction du père qui, alors que la montagne s’effondre, veut rester dans la grotte qui les a abrités pendant tant d’années contre les prédateurs : dehors c’est nouveau ; le nouveau, c’est demain et demain, c’est dangereux. Ou du moins, on ne sait pas. Un peu comme dans le livre de Roy Lewis, “Pourquoi j’ai mangé mon père”, avec le fameux cri de repli de “back to the trees” lancé par l’oncle lorsque son frère, le progressiste, découvre le feu. Et dans les “Croods”, la grande fille s’insurge contre son père en criant “mais ça sert à quoi de vivre caché comme ça ?”
Alors voilà, loin de moi l’idée d’insulter qui que ce soit, je ne comprends pas, et mon incompréhension est de même nature dans tous ces cas, avec cette différence près que je sais que mon incompréhension devant certaines situations du passé, résulte de ma temporalité. Mais là, nous sommes dans le même temps, dans la même partie d’histoire, nous avons vécu ensemble et séparément, la brutalité du premier confinement et la sidération d’un virus qu’il nous fallait bien prendre dorénavant au sérieux… Je ne comprends pas.
Alors oui, quand même, je peux comprendre que certains aient peur pour leur propre personne ou par conviction (?) mais c’est alors que je ne sais pas ce qu’il faut faire. Ce que je sais, c’est que chacun a le droit de décider ou non de se faire vacciner et que c’est une chance quand, dans certains pays, la question se pose du droit de chacun à accéder au vaccin. Une affaire de conscience donc.
… Et doutes
Déformation de juriste certainement, pour moi, ma liberté individuelle cesse là où commence celle d’un autre. Autrement dit, et mieux dit par le philosophe Raphaël Glucksmann “ma liberté ne peut nier celle de l’autre ou celle de la collectivité. Ce n’est pas être un résistant que faire courir un risque inutile à mes semblables”. Et de la même manière que lui, j’avoue être agacée par cette confusion des esprits qui place au même niveau ce droit de refuser d’être vacciné – droit strictement individuel – et les libertés et droits fondamentaux qui structurent collectivement la démocratie et pour la défense desquels il faut se battre sans relâche. Cette absence de hiérarchisation des valeurs m’énerve, peut-être parce que je ne conçois tout acte de résistance que de manière collective et pour la défense du droit de tout être humain de vivre décemment et dignement. Ces manifestations contre l’obligation du “pass sanitaire” se trompent d’objectif selon moi : il ne s’agit pas d’une atteinte à la démocratie en tant que telle. Une liberté individuelle se trouve non pas supprimée mais bien affirmée, au contraire, dans un dispositif collectif de “vivre ensemble” avec, il est vrai, des conséquences qui peuvent apparaître comme des sanctions pour ceux qui ne veulent pas vivre tout à fait ensemble… Était-ce le bon moyen ? Fallait-il user de la contrainte et la faire ainsi peser sur les employeurs ?
En tous les cas, je dois avouer, sans être spécialiste en médecine et épidémiologie, mais en tant que juriste (professionnellement), contestataire (par conviction) et grand-mère, que j’attends que le pass sanitaire soit obligatoire pour accompagner mes petites-filles s’enfermer dans une salle de cinéma, pour voir les “Croods 2”, la suite. Et même si, statistiquement, elles ont peu de risques de développer une forme grave de la maladie, elles sont en vacances et je ne veux pas qu’elles attrapent cette saleté.