HVE : un vigneron des P.-O. écrit à France Info [par Matthieu Collet]

Matthieu Collet, ingénieur agronome, agriculteur et vigneron indépendant à Tautavel, nous a destiné un courrier. Il réagit à un article publié le 27 février par la journaliste Marie Adelaïde Scigacz intitulé : “Pourquoi le label Haute valeur environnementale sème la discorde chez les paysans ?”

Bonjour,
je réagis à votre article sur le label HVE, article qui, je dois dire, manque très nettement d’objectivité et de mise en perspective. La parole est donnée à plusieurs consultants dont certains sont des activistes financés par le bio-business. Je citerais par exemple Mme Lauverjat, de Générations Futures (ONG financée par Lea nature et Biocoop), dont le fonds de commerce est le dénigrement permanent de l’agriculture non bio. Je vous propose une autre grille d’analyse, basée sur la réalité du terrain puisque je suis vigneron et que j’ai poussé mes pratiques agronomiques sur une ligne de crête dépassant les obligations du HVE, vers le bio, mais recherchant le juste équilibre entre prise de risques agronomiques d’un côté, et bénéfices écologiques et économiques de l’autre : j’ai par exemple banni les engrais chimiques depuis trois ans et aboli les CMR. Dans votre article, vous omettez, peut-être volontairement, de préciser que les produits phytos CMR 2, c’est à dire les plus dangereux, ont été proscrits du référentiel HVE dans sa nouvelle version depuis le 1er janvier 2023. Ce n’est pas un détail pourtant.

Entre autres choses, vous vous gardez bien de demander à vos intervenants de préciser quels sont les impacts du bio et de la suppression de produits phytosanitaires, dont les désherbants. Je vous prouve, chiffres à l’appui, que la transition écologique opérée sur mon exploitation et les milliers équivalentes déjà converties en bio, nécessite de consommer entre 30 et 50 % de gasoil en plus pour des rendements en baisse de l’ordre de 20 %. Le réchauffement climatique est le problème n°1 de notre planète et pourtant pousser vers une conversion massive au bio accroit significativement la production de gaz à effet de serre, dès lors que la main d’œuvre n’est pas disponible ou trop chère et que le tracteur reste l’outil de travail numéro un. C’est mathématique et c’est très majoritairement le cas en France. Vous comprendrez donc que je sois atterré ce matin par la simplification extrême et orientée de votre analyse et par les interprétations erronées que cette publication va susciter dans l’esprit des Français.

Je pense qu’il est absolument nécessaire de faire un travail de fond sur la thématique du bilan carbone de la filière bio, en mettant en balance le gain environnemental certain, versus l’aggravation du réchauffement climatique, par les pratiques mécanisées et l’accroissement de nos importations. Je vous donne une piste : avec la suppression des néonicotinoïdes sur la betterave, notre pays va importer massivement du sucre bio du Brésil, moins cher à produire et plus carboné, puisqu’il doit parcourir plusieurs milliers de kilomètres et surtout parce qu’il est souvent issu de la déforestation. Voyez-vous, les sujets que vous couvrez sont complexes et méritent un peu plus de travail et sans doute un peu plus de respect envers nos agriculteurs.

Bien cordialement.

Matthieu Collet

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