Saison 2023 : premiers bilans, premières pistes (partie 4) [par Yann Kerveno]

Il est possible de conduire des vignobles avec peu d’eau, mais il en faut quand même un peu. Comment optimiser les itinéraires ? Alain Deloire, spécialiste de la physiologie de la vigne, donne quelques pistes.

Ce qu’on a appris cette année ? “C’est qu’il pouvait ne tomber que 200 mm d’eau sur les Pyrénées-Orientales en un an et que d’autres régions viticoles européennes, en Italie et en Espagne, ont subi le même tourment” répond Alain Deloire, spécialiste de la physiologie de la vigne, quand on lui pose la question du bilan à chaud. “Et s’il n’a pas plu, la situation est, en plus, aggravée par le manque de stock d’eau qui pourrait compenser grâce à l’irrigation” ajoute-t-il avant de sortir la calculette. “Pour la vigne, il faut, en gros, 500 mm par an, soit 5 000 m3 à l’hectare, donc, la question qui se pose, c’est comment faire quand on a que 200 mm de pluie et une ressource limitée ? Il faut 250 à 300 litres d’eau pour produire un litre de moût, alors qu’est-ce qu’on fait ?” Pour autant tout n’est pas perdu, à condition de changer de paradigme et c’est là que cela se complique.

Les pistes

“On sait depuis 20 ans qu’on peut gérer la vigne avec très peu d’eau, on sait à quel stade phénologique il faut apporter l’eau à la vigne pour qu’elle puisse assurer son cycle, ce sont des choses connues qui font l’objet de consensus solides. Mais on sait aussi d’ores et déjà que le changement climatique va faire disparaître environ un tiers des vignobles des zones sèches. Et on n’a pas vraiment de solution, il faut arrêter de croire que la vie des sols, planter des arbres, tout ça, va changer quelque chose” tempête-t-il. Parce que s’il n’y a pas d’eau, il n’y a pas d’activité microbienne dans les sols et rien ne se passe.

Les pistes ? La première, limiter la consommation des plantes. “98 % de l’eau s’échappe de la vigne par transpiration, on peut donc tailler pour avoir moins de feuilles en ajustant le nombre de bourgeons et réduire la surface transpirante. On peut s’en sortir avec peu d’eau, à condition d’accepter de baisser le rendement.” Mais, ajoute-t-il tout de suite, cela pose immédiatement la question de jusqu’où peut-on aller ? “C’est la rentabilité de l’exploitation contre le rendement à l’hectare. Et on sait que dans les Pyrénées-Orientales, en-dessous de 30 hectos à l’hectare, on n’y est déjà plus.”

Ne pas stresser les racines

Autre option, faire en sorte que la moindre goutte soit efficace. L’idée qu’il met en avant, c’est de changer de calculatrice. “Nous essayons de raisonner au litre par pied plutôt qu’en mètre cube par hectare. Le secret d’une irrigation réussie c’est de maintenir un confort hydrique suffisant dans la zone des racines en créant un bulbe hydrique. Si j’apporte 25 litres par cep, cela représente l’équivalent d’une pluie de 12 mm à l’hectare, mais c’est plus efficace puisque apporté directement au pied. En ne stressant pas le système racinaire, on favorise le développement des radicelles qui sont le système racinaire, annuel, le plus performant, bien plus que les racines profondes comme la croyance populaire le véhicule.”

À côté de cela, on peut aussi tenter de limiter la transpiration des plantes par d’autres moyens que la taille évoquée ci-dessus. Et pour cela, explique-t-il, il y a plusieurs options. Les produits de protection des plantes, mais il les juge assez peu efficaces, “il faudrait pouvoir traiter sous les feuilles, ce n’est pas très facile à mettre en œuvre et cela ne fait pas faire de grosses économies.”

“S’il n’y a pas d’eau, ça ne sert à rien”

Autre piste, faire de l’ombre sur les parcelles, avec des filets soit au dessus ou sur les côtés des rangs. “C’est difficile à mettre en œuvre dans les Pyrénées-Orientales à cause de la tramontane.” Les ombrières photovoltaïques ? “Ce peut-être une solution, mais il faut qu’elles soient mobiles et pilotées finement pour ne pas cacher la lumière dans les moments où la plante en a un besoin critique.” Les produits qui permettent de stocker de l’eau dans le sol, comme le Biochar ? “Oui, c’est intéressant, mais il faut l’alimenter. S’il n’y a pas d’eau ça ne sert à rien.”

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