Géopolitique de la faim dans le monde [par Dorothée Boyer Paillard]

En 2017, je réalisais une conférence sur la géopolitique de la faim dans le monde. Autant dire qu’elle a tellement soulevé de commentaires approbateurs et réprobateurs que l’année suivante, envisageant une conférence sur la problématique de l’eau dans le monde, je ne fus pas reconduite… Être trop en avance sur l’opinion du moment reste, depuis la nuit des temps, mal perçu…

Qu’avais-je démontré dans cette conférence ? Simplement qu’à partir du rapport de l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde en 2015, il se trouvait être que 795 millions de personnes (une personne sur 9) étaient sous-alimentées dans le monde ; que les 85 personnes les plus riches de la planète détenaient autant de richesse que les 3,5 milliards les plus pauvres et près de la moitié des richesses mondiales étaient détenues par 1 % de la population mondiale selon l’ONG Oxfam dans un rapport de 2014.

Je faisais part en détail des difficultés par régions et sous-régions, les famines sévères sévissant en Ouganda, au Yémen, au Nigéria et au Soudan Sud. J’évoquais Jean Ziegler, pour qui les trois cavaliers de l’apocalypse de la faim sont l’OMC, le FMI et dans une moindre mesure la Banque mondiale. Je soulevais la place des femmes dans l’agriculture et le commerce, les confiscations des semences agricoles, le pillage de la diversité biologique, les catastrophes climatiques, la déforestation des forêts amazoniennes, indonésiennes ou malaisiennes. J’y montrais les ravages des maladies comme la kwashiorkor, le noma, les cécités ; la photo de Mike Wells de 1980 ayant reçu le Prix World Press Photo ; celle de Kevin Carter au Soudan en 1993, Prix Pulitzer ; celle d’Albert Gonzalez Farran en 2016 au Soudan Sud, celle de Markel Redondo de Joe Hullman, 13 ans, dans une décharge en République Dominicaine… J’y exposais aussi les nouvelles technologies alimentaires en laboratoire et les ultra-productions…

Bonne conscience

En 2023, le rapport révèle que ce sont toujours en moyenne 735 millions de personnes qui ont souffert de la faim en 2022, avec une augmentation de 122 millions par rapport à 2019, soit avant la pandémie de la Covid-19. La malnutrition s’est déplacée, régressant globalement en Asie, à l’exception de l’Asie de l’Ouest et Amérique latine, mais touchant plus fortement les Caraïbes ainsi que les sous-régions africaines. 29,6 % de la population mondiale, soit 2,4 milliards de personnes n’ont pas d’accès constant à des aliments et 900 millions sont en insécurité alimentaire. 42 % de la population mondiale ne pouvait pas s’alimenter sainement en 2021. Pour les enfants, 22,3 %, soit 148 millions présentaient un retard de croissance, 45 millions émaciés et 37 millions en surpoids.

À côté de cela, l’augmentation de la fortune des plus riches en est devenue indécente, nous subissons une inflation sans commune mesure, nous jetons l’opprobre sur les agriculteurs, nous achetons notre bonne conscience par les véhicules électriques et n’appelons que très rarement à la paix et à la stabilité mondiale, car seul notre petit confort nous importe.

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