Gel sur vigne : les vignerons indépendants de l’Aude attendent des réponses [par Yann Kerveno]
Alexandre They, leur président, aimerait que les dispositifs d’aides soient clarifiés rapidement pour donner de la visibilité aux entreprises.
“Depuis deux ans nous vous expliquons qu’il faut « passer cap » à chaque fois que nous nous rencontrons, mais croyez-moi, cela fait 23 ans que je suis à la tête de mon domaine et je n’ai jamais connu un tel enchaînement de catastrophes” témoigne Alexandre They, président des Vignerons indépendants de l’Aude. La dernière en date, le gel, n’a d’ailleurs pas encore été complètement évaluée, les bilans sont encore grossiers. Et l’inquiétude demeure. “Sur certains cépages, un mois et demi après le gel, il n’y a encore aucune tache verte et si rien ne sort d’ici à la première semaine de juin, la vigne n’aura pas le temps de faire un cycle complet” ajoute le vigneron de Montbrun des Corbières. L’enquête menée dans toute la France par les Vignerons indépendants estime à 350 M € les pertes accumulées par le secteur en Occitanie. Dans le département de l’Aude, seuls la zone Minervois, le littoral ainsi qu’une partie du Limouxin ont été partiellement épargnés par le gel de la nuit du 7 au 8 avril.
Mais cette conférence de presse, tenue lundi 17 mai, avait surtout pour but de rappeler que si le gel est derrière nous, les conséquences, elles, vont se faire sentir pendant de long mois. “Rien n’a encore avancé sur les modalités du dispositif d’aides annoncé par le gouvernement. Nous attendons toujours de l’État qu’il nous explique le détail de la répartition de l’enveloppe d’un milliard d’euros, même si, d’un autre côté, nous nous réjouissons de voir l’indemnisation de récolte, qui n’existait pas en viticulture, prise en compte. On ne peut plus se permettre d’attendre, nous avons besoin de réponses pour avoir un peu de visibilité.”
Décaler les remboursements de PGE
Les réponses attendues ne portent pas seulement sur le dispositif d’aides lié au gel d’avril. Alexandre They rappelle les demandes de la profession : étalement du remboursement du PGE sollicité au titre des mesures liées cette fois à la crise du Covid. “Le remboursement du PGE devait intervenir à partir de 2022, mais c’est justement cette année-là que nous aurons peu de vins à vendre à cause du gel” expliquait-il ensuite. “Avec les modalités actuelles de remboursement, il faudrait que nous fassions progresser de 25 % le chiffre d’affaires de nos exploitations pour pouvoir rembourser. Or les PGE ont été utilisés pour payer les charges, les salaires puisque nous ne pouvions pas vendre à cause Covid, pas pour faire du développement !” Outre ces adaptations, les vignerons réclament également un geste sur la taxe foncière non-bâtie, des exonérations des cotisations patronales et une année bancaire blanche. Est aussi venue sur la table la question des assurances.
Assurances
Si la moitié des vignerons audois est assurée, seuls 9 % le sont avec l’assurance multirisque socle, qui bénéficie d’une aide financière. Et naturellement, la moyenne olympique, qui permet de calculer les dédommagements, est aussi remise en cause, les vignerons audois qui préféreraient qu’on enterre ce mode de calcul préjudiciable en raison des nombreux accidents climatiques pour préférer une “moyenne théorique”. “Il est regrettable que nous soyons obligés d’en passer par une telle catastrophe pour que ce dossier avance” ajoutait Alexandre They. “Nous attendons toutes ces réponses parce que nous avons besoin d’avoir un peu de stabilité pour nos entreprises.”
Et quand il regarde l’année à venir, il se dit, avec l’ensemble des producteurs de la région, que le contexte est favorable à multiplier les contrats entre le négoce et les producteurs. “Il y aura des produits qui seront en grande tension cette année, les blancs par exemple, parce que le chardonnay a beaucoup souffert. Les contrats permettent de lisser les prix et de se mettre à l’abri de fortes augmentations, ou de fortes baisses des cours.” Pour l’heure, ce sont donc essentiellement les blancs et les vins de cépages, à rotation rapide, qui risquent de voir leurs cours s’envoler.
Yann Kerveno