Eau : de quoi le ministre a-t-il eu peur ?

En visite à Canet-en-Roussillon, Christophe Béchu a présenté le plan de résilience sécheresse concocté pour les Pyrénées-Orientales. Revue de détails.

Attendu en préfecture mercredi matin pour une réunion au sujet du plan Eau, le ministre Christophe Béchu a joué les filles de l’air. Et pris, avec une heure d’avance, le chemin de Canet-en-Roussilon pour y tenir la réunion prévue loin de la présence des tracteurs sous les fenêtres de la préfecture. « On avait prévu un truc soft, mais juste pour montrer que nous étions là et que nous souhaitions être entendus » s’étonnait Bruno Vila, patron de la FDSEA qui finit par rencontrer le ministre, pour une vingtaine de minutes, à Canet, avec Jean Henric, président des Jeunes Agriculteurs et un représentant de la CR. Du côté du monde agricole, on salue les avancées mais sans enthousiasme. « L’État a beaucoup d’exigences mais oublie de répondre au court terme. Ce que nous craignons, c’est de nous voir appliquer de nouvelles contraintes dans cinq mois et de n’avoir l’eau dont nous avons besoin que dans dix ans » ajoutait le président de la FDSEA

L’étau se resserre.

David Massot, arboriculteur et en charge du dossier eau à la FDSEA complétait un peu plus tard : « On a un secteur qui est en train de tout perdre dans la vallée de l’Agly, et il n’y a pas de réponse immédiate pour ça. Le moyen terme, c’est bien, mais que fait-on aujourd’hui ? Au contraire, on a l’impression que l’étau se resserre autour de nous, hier matin, j’avais la police de l’eau dans mon bureau. » Dans le détail, le plan du ministre, destiné à combattre les effets du changement climatique, n’apporte en effet pas de solution immédiate. Même le projet de réserve des Aspres, présenté comme symbolique et ultra-prioritaire il y a quelques semaines encore, ne fait pas partie de la short-list des projets retenus en concertation avec les acteurs locaux puisqu’il est toujours à l’étude dans les services du ministère de l’agriculture.

Réut.

Cette liste de sept projets peut-être divisée en trois chapitres. La première partie porte sur le développement de la réutilisation des eaux de stations d’épuration. Trois sont concernées : Argelès, avec un objectif de 1,2 million de mètres cubes par an d’eau de classe B ou C pour irriguer potentiellement 583 hectares de terres agricoles. Saint-Cyprien, avec pour objectif de dégager 1 million de mètres cubes d’eaux de classe A pour alimenter le golf, les aires de lavage de bateaux et les terres agricoles. Canet en Roussillon avec pour objectif 0,5 million de mètres cubes d’eaux de classe B ou C pour alimenter les usages techniques (voirie…) et à terme 500 hectares de terres agricoles.

Connexion, télégestion…

La deuxième partie concerne directement les infrastructures agricoles. Le premier projet retenu concerne la sécurisation, par le maillage des réseaux, des réseaux d’irrigation de l’Agly, le secteur le plus en difficulté encore aujourd’hui entre Espira et Rivesaltes. Le deuxième, la mise en place d’une télégestion à la parcelle sur le canal de Corbère qui porte sur 1 100 hectares de cultures et le troisième la modernisation du canal de Perpignan qui sert notamment au remplissage du lac de Villeneuve-la-Raho, dont on a vu cet hiver combien il peut être complexe. La troisième partie ne compte qu’un item, il s’agit de la rénovation des réseaux fuyards à Ille-sur-Têt. Voilà pour les projets rapidement opérationnels.

Et tuyaux…

En plus, l’État a choisi d’appuyer trois autres dossiers au stade des études. Avec la Région, l’évaluation de la faisabilité de la prolongation d’Aqua Domotia pour amener l’eau du Rhône jusque dans les Pyrénées-Orientales, avec la métropole de Perpignan pour la valorisation de 6 à 10 millions de mètres cubes d’eau de la station d’épuration de Perpignan, projet porté par Robert Vila, avec le Département pour la connexion du lac de Vinça avec celui de Villeneuve-La-Raho et enfin, ce fameux dossier « super-prioritaire » de création d’un réseau d’irrigation dans les Aspres. Question moyens, Christophe Béchu a précisé que 10 M€ seraient engagés par l’intermédiaire de l’Agence de l’eau, qu’il serait aussi possible de mobiliser une frange des 20 M€ du plan hydraulique décidé par le ministère de l’agriculture et que les porteurs de projets, en particulier pour la rénovation des réseaux, pourraient contracter des « Aqua prêts » de la Caisse des dépôts spécialement dédiés à ce type d’investissements de long terme.

Donnant donnant

Mais ce qu’a aussi rappelé le ministre, c’est que le deal doit être « donnant donnant » et l’État aura ses exigences qu’il a énumérées. Les principales résident dans l’acquisition de données sur la consommation et la pose de compteurs volumétriques, la régularisation des forages non déclarés, la rénovation les réseaux les plus fuyards et le dossier qui ne manquera pas de susciter de vives tensions : la modification de la gouvernance avec la création d’organismes uniques de gestion collective pour les canaux et les 200 ASA qui les gèrent dans le département et pour les eaux souterraines avec les syndicats d’adduction d’eau potable. Le long fleuve tranquille n’est pas pour demain.

Yann Kerveno

( à suivre dans notre édition de la semaine prochaine).

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