Happy au Be Ranci [par Yann Kerveno]

Ce qui était une idée vague il y a encore cinq ou six ans a pris du corps. Et s’internationalise. La galerie “À 100 mètres du centre du monde” accueillait lundi les troisièmes rencontres européennes des vins oxydatifs.

“On a fait une famille et dans une vie de vigneron, c’est rare” se réjouit Alain Pottier, vice-président de l’association qui porte le salon. “C’est rare et c’est parti de chez nous, de nos rancios…” Elles étaient en effet 74 entreprises représentées “À Cent mètres du centre du monde” ce lundi de tramontane. Entreprises françaises, du Roussillon et d’ailleurs, mais aussi étrangères, venues d’Espagne, d’Italie, de Sicile… Sept pays en tout. Avec des rancios mais aussi des vins oxydatifs jeunes, qui n’ont pas les 5 ans d’élevage nécessaires. “Cette année, nous allons de l’Atlantique à la Méditerranée, toute la Méditerranée puisque nous accueillons la côte d’Azur.”
Qu’est-ce qui a donc changé en une décennie, le premier salon Be Ranci c’était il y a seulement sept ans ? “Nous nous sommes donné confiance, nous étions des vins anecdotiques, sous estimés, tout ce travail, ces rencontres ont permis que nous reprenions confiance. Bien sûr, cela ne rapporte pas, mais les rancios sont devenus incontournables dans nos dégustations. Et nous attirons de nouveaux producteurs. Sur 400 caves particulières dans le département, nous ne sommes qu’une cinquantaine à produire du rancio. Mais nous sommes parvenus à convaincre Riberach de faire leur première cuvée l’an passé et nous sommes aussi rejoints par d’autres vignerons.” Le mouvement est en partie abondé par le mouvement des néovignerons, souvent inscrits dans la dynamique nature ou biodynamique… Les volumes produits dans le département s’établiraient autour de 150 à 200 hectolitres par an.

Bientôt le foie gras ?

Les vins oxydatifs, ils ont fait l’objet d’un livre complet aux éditions Trabucaire disponible depuis cet été, ont-ils trouvé leur marché ? “Nous sommes toujours dans un marché de niche, alors on s’en fiche un peu, enfin non, le terme n’est pas adapté, je préfère dire dans un marché d’appel… Mais oui, ce sont des vins résistants, ils sont adaptés à la cuisine moderne” ajoute le vigneron de Port-Vendres. “Mais il faut aller au-delà des seules associations qu’on reconnaît parfois à nos vins, au-delà des anchois et des fromages fermiers. Ce sont des vins qui sont particulièrement adaptés à la cuisine asiatique, qui n’est pas toujours facile à accompagner.”

Mais le meilleur est peut-être encore à venir et ce, dès l’année prochaine avec une nouvelle animation, Happy Ranci, qui se déroulera en fin d’année 2022 avec la filière foie gras au marché Victor Hugo de Toulouse. “Ce sera l’occasion de montrer que le foie gras, puisque c’est de cela dont il est question, a tout à profiter d’une association avec nos vins oxydatifs…” Mais le Sauterne aussi ? “Oui, mais aujourd’hui avec la chasse au sucre, nos vins sont pertinents face aux liquoreux” relève-t-il. L’association Be Ranci, porteuse de ces rencontres européennes, seul salon spécialisé du genre, compte aujourd’hui une soixantaine de membres dont 35 vignerons.

Nous avons croisé…

Domaine Maramuta, Marc Castan

Marc Castan est un vigneron audois installé du côté de La Palme où il exploite 18 ha de vignes. Entré en viticulture au tout début du siècle, il a repris les vignes de son grand-père, il s’est installé en cave particulière et en bio en 2008. Sa première cuvée de vin oxydatif remonte à 2013, mais il n’en produit pas tous les ans. “Il faut que la récolte soit généreuse parce que je prélève les vins sur les muscats secs destinés production des blancs. 2013 était un bon millésime pour cela. Et puis il faut de la place pour stocker.” Depuis, il en a produit en 2018 également, mais celui de 2013 a été mis en bouteille seulement cette année. Pour une production de 450 bouteilles déjà vendues pour moitié en Corée. “C’est un pays où les consommateurs sont amateurs de ce type de vin, à la base. Mais ici aussi les particuliers commencent de s’y intéresser quand on leur fait goûter” explique le vigneron audois.

 

 

Château de Bel, représenté par Julien Ditté

Souvent qualifié de trublion dans le milieu de la vigne bordelaise, Olivier Cazenave n’était pas présent à la galerie “À 100 mètres du centre du monde”, mais représenté par son associé catalan, Julien Ditté, domaine Amistat à Bages. La propriété bordelaise présentait un vin oxydé à base de muscadelle, une cuvée appelée Altrès, “les autres”. “La muscadelle est un cépage emblématique de Bordeaux qui a tendance à malheureusement s’effacer devant les cépages internationaux” explique Julien Ditté. “Les vins sont élevés en barrique bordelaise et Olivier Cazenave laisse la consume se dérouler naturellement, tout comme le voile classique, pour, au final, ne mettre en bouteille que 180 litres sur les 225 initialement présents.”

 

 

Slurp Wines, Lucio Goutard

Échappé de la restauration, il avait deux affaires en région lyonnaise, Lucio Goutard a posé ses valises à Banyuls, il y a deux ans, pour acquérir deux hectares de vigne et produire du vin. “J’étais tombé amoureux du terroir…” Hors les clous, comme son mentor de l’Oiseau Rebelle, il entend faire ce qui peut se faire de mieux avec le terroir, c’est du moins l’ambition qu’il revendique. À Perpignan, il présentait un “rosange”, vin oxydatif qu’il décrit comme étant à mi-chemin “entre le rosé et le vin orange”, obtenu par une combinaison complexe de raisins rouges pressés directement, comme pour le rosé, et de macération avec les gris et les blancs, dans une vieille barrique pendant 10 mois sans toucher.

 

 

Et ailleurs ?

Dans les travées bondées de Be Ranci, on pouvait aussi déguster des vins venus d’autres régions de France, d’Alsace, du Jura, du Sud-Ouest et de la Côte d’Azur. Une trentaine de bodegas espagnoles et catalanes avaient fait le déplacement depuis les vignobles de Jerez, Rueda, Navarre, Montsant, Pénédès, Terra Alta et du Priorat. Les vins oxydatifs italiens étaient représentés par deux origines, le Piémont et la Sicile tandis que la Hongrie, l’Allemagne, le Portugal et la Grèce avaient aussi un représentant en terres catalanes ce lundi.

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