Élections, jeunisme…
Ça vient d’être confirmé, pandémie ou pas, les élections départementales et régionales auront bien lieu à la fin du mois de juin. Moins de trois mois pour convaincre et rallier les suffrages, et notamment pour motiver les jeunes, éternel écueil de tout scrutin. Appliquant les préceptes des communicants, nos maîtres à penser actuels, il s’agit d’adapter aux médias numériques, le slogan inventé par Jean Cau dans les années 80 “le poids des mots, le choc des photos”, quitte à le traduire par l’approximation des mots et l’imposture des photos. Et dans ce domaine, EELV vient de frapper fort.
Alors oui, cher Julien Bayou, je suis une “boomeuse” et j’irai voter comme lors de chaque scrutin, par respect pour la démocratie, en choisissant, malheureusement comme toujours, le moindre mal. Et oui, en tant que telle, et par “déformation” professionnelle, j’ai une certaine exigence d’écriture et plus généralement dans l’expression qu’elle soit orale ou écrite. Alors vous comprenez bien que tweeter dans une même “fatwa” les chasseurs, les fachos et les boomers, outre quelques personnes – que je n’apprécie pas davantage que vous – ça s’appelle un amalgame intentionnel en vue de la fédération d’oppositions, vieille ficelle politicienne que vous prétendez dénoncer par ailleurs.
À votre décharge, vous êtes dans l’air du temps et un représentant caractéristique de cette génération X (à la lisière du Y) qui pense nécessaire, pour s’imposer, de bouter hors de leurs places, ceux de la génération précédente, ces “baby boomers” si coriaces et encombrants. Et pour y parvenir, il vous faut convaincre les jeunes (dont vous n’êtes plus tout à fait). Mais là où nous, les “boomers”, nous tentions d’en appeler à leur citoyenneté et leur sens du devoir, vous faites le choix de les positionner en “super héros DC Comics” pour sauver la planète des mains des “super vilains” de plus de 55 ans. Voilà qui ne vise guère à rendre autonome une jeunesse déjà maltraitée et déboussolée, sujette à dépression et à confusion, entre résilience et résistance.
…et faux semblants
Mais vous n’êtes pas le seul et j’ai plutôt de la sympathie pour vous, même si on peut reconnaître dans votre regard cette petite lueur de cynisme qui différenciait jadis Cohn-Bendit de ses comparses soixante-huitards. Intelligent, malin, vous savez ce que vous faites et où vous en êtes. Un peu comme le président, pris en photo avec un faux rappeur mais vrai repris de justice, et qui assume pleinement sa volonté de jeunisme. Pas comme Marlène Schiappa en revanche, fascinée par Cyril Hanouna et son audimat, faux semblant de jeune en révolte contre tout et tous, qui prétend dénoncer les hypocrisies de notre société par le recours à la vulgarité et aux grossièretés – parce que “ça marche auprès des jeunes”.
Pure création de Vincent Bolloré qui, en 2015, lui avait donné un chèque de 250 millions d’euros pour qu’il continue pendant cinq ans à se déverser sur la chaîne C8, Cyril Hanouna, qui oublie de rappeler que sa société de production H2o, dans laquelle il est associé au fils, Yannick Bolloré, réalise 42 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels, est tout sauf un pauvre “jeune” (il a 47 ans) issu des banlieues. Fils de médecin et de commerçante, il n’y a guère que Marlène Schiappa pour croire “au mépris de classe” dont feraient preuve ceux qui osent le critiquer. Homme de pouvoir et d’argent, il déclare vouloir jouer un rôle décisif dans l’élection présidentielle de 2022 en sa qualité de “rabatteur” de jeunes. Et voilà que la proposition de Marlène Schiappa pour qu’il anime le débat entre les deux tours de la présidentielle, vient de recevoir le soutien de Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, au motif que Cyril Valéry Hanouna serait “incontournable” ! Que ne sont-ils pas prêts à faire pour récupérer des voix (…)
Alors, le prof – pas encore à la retraite – que je suis, se permet de dire que cette médiocrité n’est pas une fatalité et que vous, les jeunes, vous méritez tellement mieux !