Gel : aides insuffisantes et tensions à venir sur les marchés [par Yann Kerveno]

Deux semaines après l’épisode de gel qui a frappé la France entière, le monde viticole s’accorde pour estimer que, concernant les aides annoncées, le compte n’y sera pas…

“Ce n’est pas parce que nous avons heureusement été moins touchés que les départements de l’Aude ou de l’Hérault que la situation est moins grave chez nous” prévient d’emblée Laurent Girbau, président du Syndicat des vignerons des Pyrénées-Orientales. Au-delà du pataquès qui s’est déroulé autour de la visite du Premier ministre il y a dix jours à Estagel, le Syndicat des vignerons n’ayant pas été invité en première instance, à cause de ce que Laurent Girbau appelle pudiquement un “problème de connexion avec la Chambre d’agriculture”, on sait que, dans le département, outre la zone très touchée autour d’Estagel, Maury, Montner et Latour, toutes les vignes situées dans les bas-fonds ont versé leur obole aux éléments en cette nuit du 7 au 8 avril.
“Et dans ces bas-fonds, c’est là que nous allons chercher les kilos de raisins” explique-t-il avant de sortir la calculette. “Même s’il ne manque que 30 % de la vendange, sur une moyenne à 30 hectolitres à l’hectare, ça pèse lourd. Alors quand on voit qu’il y a un milliard d’euros pour toute la France et toute l’agriculture, on se dit que ça va être trop juste, qu’il n’y en aura pas assez. Nous sommes satisfaits de ces annonces, ainsi que de celle de la Région, mais nous disons que ce n’est clairement pas suffisant. Surtout quand on voit que les indemnisations liées à la Covid pour la restauration, le chômage partiel, mobilisent 10 milliards d’euros par mois !” En attendant d’en savoir plus sur le déploiement des différents dispositifs d’aide, le président du syndicat se réjouit de l’attitude du service des impôts qui “est à l’écoute des vignerons et qui, surtout, est le levier le plus efficace, grâce aux aménagements trouvés, pour épargner la trésorerie des exploitations.”

Risque de pénurie ?

Dans l’Aude, la gueule de bois est plus sévère. “C’est toujours difficile de faire un bilan, on estime aujourd’hui avoir perdu environ 1,5 millions d’hectolitres, mais cela peut encore être seulement un million comme cela peut-être deux millions” précise Ludovic Roux, président de la cave des Terroirs du Vertige et vice-président de la coopération viticole régionale. Il faudra en effet attendre encore une dizaine de jours et le retour de la deuxième enquête menée sur le terrain, pour avoir une idée plus précise de l’ampleur des dégâts. Et comme ses collègues des P.-O., Ludovic Roux prévient, “et de toute façon, cela ne sera pas définitif, les bourgeons vont-ils repousser ? Nous n’en savons rien, et nous sommes encore très loin des vendanges…”
Il pointe aussi du doigt d’autres conséquences. “Pour les parcelles qui ont été en partie épargnées vont se poser des problèmes de qualité avec des maturités décalées. Les décisions ne seront pas faciles à prendre, tout diriger vers le rosé ? Vendanger en deux fois ?” La situation risque aussi d’être complexe sur les marchés dans trois segments, les blancs, les rosés et les IGP. “Pour certains blancs, on est déjà en alerte rouge, pour les rosés, nous devrions être en mesure de fournir nos marchés, mais ce sera de toute façon tendu, tout comme ça le sera sur certains cépages en IGP de département, Pays d’Oc ou Terres du Midi.”

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