Défis techniques : une nouvelle ère pour le liège ? [par Yann Kerveno]

La suberaie française serait-elle en perdition ? Si ce n’est le cas, on n’en est pas bien loin. Et c’est à cette fatalité que s’attaque l’entreprise cérétane Diam en formant à la levée mécanisée.

Le rendez-vous est donné dans une parcelle du côté de Montesquieu des Albères. Une parcelle propre, accessible facilement. Quand on y arrive en début de matinée, une partie des arbres a déjà été dépouillée de son liège. Les troncs sont jaunes et s’agite une poignée d’hommes en chasuble orange fluo. Ces travailleurs des bois sont des spécialistes des travaux forestiers ou d’élagage, de l’entreprise Serpe 66, invités par Diam à se former aux techniques de la levée de liège… Pour relancer une filière en déshérence. En effet, le liège français souffre de plusieurs handicaps que Diam veut essayer de surmonter avec les acteurs de la filière. Pour résumer, la filière liège est aujourd’hui confrontée à trois défis. Le premier, c’est le manque de main-d’œuvre, on ne peut plus seulement compter sur les spécialistes espagnols. Le deuxième, c’est la perte de savoir-faire, lever du liège est un geste physique mais aussi technique. Le troisième est un mélange entre la pénibilité et le rendement.

Apprendre la technique

Autant de points que l’expérimentation de la mi-juin à Montesquieu entendait envoyer au rayon des souvenirs. “Pour la question de la main-d’œuvre, nous avons décidé de faire appel à des professionnels, en l’occurrence une société habituée aux travaux forestiers, donc avec des personnels habitués à ces environnements auxquels il faut juste apprendre la technique propre à la levée” explique Fabien Nguyen, responsable de la division achats liège chez Diam bouchage. “Pour nous, c’est une diversification intéressante” abonde José Da Silva, responsable du bureau perpignanais du groupe Serpe. “Nous sommes capables de mobiliser des personnels qualifiés qui connaissent le milieu. C’est d’ailleurs assez étrange pour eux ce genre d’exercice, là, ils ont les pieds au sol alors que d’habitude, ils sont plutôt dans les arbres pour les élagages !” Pour s’affranchir de la pénibilité, il n’y avait pas quarante solutions, il fallait en passer par la technologie et la mécanisation. “La technologie existe depuis longtemps, depuis les années quatre-vingt-dix en fait, mais les matériels étaient lourds, les batteries pas très performantes” résume Fabien Nguyen. Bref, ça fonctionne, mais ce n’est pas assez portatif pour la suberaie des Pyrénées-Orientales ou celle du Var, souvent accrochées à des terrains escarpés, au contraire des suberaies de la péninsule ibérique.

Six à dix minutes

Deux outils mécaniques sont mis en œuvre, une petite tronçonneuse pour couper le liège femelle et qui est équipée d’un capteur de profondeur pour ne pas entailler l’arbre, ainsi qu’une espèce de sécateur inversé qui écarte le liège de la mère. Les finitions, les angles pas commodes, se font à la hache, de façon traditionnelle. Le gain en temps est aussi important. “Nous avons calculé qu’il nous fallait entre six et dix minutes pour lever le liège” précise José Da Silva. Fabien Nguyen compte sur cette association entre professionnels du milieu forestier, qui peuvent se réapproprier le savoir-faire et la technologie, pour relancer la suberaie française. Et renforcer son sourcing en liège origine France, dans le cadre d’un projet agroforestier plus vaste. “Dans les années 1950, il se levait 1 200 tonnes de liège en France et il y a aujourd’hui de nombreux arbres qui ne sont pas exploités, qui ne sont plus exploités. La suberaie des Pyrénées-Orientales pourrait ainsi
fournir 150 à 200 tonnes de lièges.” Avis aux propriétaires !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *