Cuisine à domicile : la liberté retrouvée de Chef Yvon [par Yann Kerveno]

Un mal pour un bien. Dans la carrière du jeune cuisiner Yvon Rossignol le Covid a tout fait basculer.

Pour Yvon Rossignol, la crise de la Covid aura été un déclic. Et même un de ceux qui forgent la destinée d’une carrière, sinon d’une vie. Installé à Ille-sur-Têt depuis ses 19 ans dans son propre restaurant gastro, Saveurs des Orgues, l’affaire tournait bien, très bien même, il souhaitait s’en séparer depuis plus de deux ans. Lassé par le lieu, lassé par la routine, titillé par l’envie de faire autre chose, mais ne parvenait pas à vendre. “La fermeture ça a été dur, on nous a un peu pris pour des cons en nous obligeant à fermer du jour au lendemain, moi j’avais fait des achats de matière première pour 3 000 euros.” Et puis il s’est retrouvé confiné, avec sa femme et leur bébé né juste avant. Et là, c’est la révélation. “J’ai fait quelques livraisons, puis j’ai commencé à cuisiner chez les gens. Ça ne vient pas de nulle part, c’est quelque chose que j’ai toujours eu envie de faire, être chef particulier, au service d’une famille” précise-t-il. “Et de toute façon, j’ai su à ce moment-là que je ne voulais pas rouvrir le restaurant, refaire une mise en place, tout nettoyer. J’ai décidé de liquider et cela n’a même pas été douloureux, ça m’a soulagé.”

“De très belles choses”
Depuis, il cuisine à domicile, uniquement. “C’est complètement différent. Quand vous avez un restaurant, les gens sont pressés, font la gueule. Là c’est tout le contraire, ils sont heureux que je cuisine pour eux, ils ont le sourire.” Pour deux ou plus, il s’adapte. “C’est une façon de faire différente. J’essaye de préparer ce qui peut-être préparé avant, pour ne pas avoir à m’installer quatre heures chez eux, pendant qu’ils travaillent. Sur place, je fais surtout les cuissons et les dressages.” Auparavant, il a discuté du menu avec ses clients, sur la base d’un prix minimum, 70 euros par personne pour deux personnes, 50 euros à partir de six convives. “Souvent cela va assez vite, je poste les plats que je fais à la maison ou ailleurs sur les réseaux sociaux, alors les gens savent exprimer ce qu’ils veulent, il est rarement nécessaire d’aller au-delà du deuxième devis.”
Alors, bien sûr, l’exercice a des limites. “J’étais le seul dans la région à faire du sucre soufflé, mais je ne peux plus le faire, je suis aussi bloqué pour la pâtisserie, il faudrait que je dispose d’un labo adapté, je me contente donc de « desserts de cuisinier »” sourit-il. “Mais cela n’empêche pas de faire de très belles choses !” Sa page Facebook en donne une illustration à faire saliver le dernier des gourmands.

Que demander de plus ?
Il trimballe donc maintenant tout son matériel, de cuisine en cuisine, et c’est peut-être ce qui l’a le plus surpris jusqu’à aujourd’hui, il y a de la demande. La Covid a bien aidé, faisant réfléchir les gens à deux fois quand il s’agit de sortir pour aller au restaurant. “C’est une crise très dure pour notre secteur” ajoute le jeune cuisinier – il a 32 ans. Et même s’il a perdu le “roulement” propre à un restaurant, il lui faut tout préparer à chaque fois, il ne fera pas demi-tour. “La demande est là, je travaille moins qu’avant et je gagne mieux ma vie, j’ai plus de temps pour ma vie de famille… Avant lorsque j’avais le restaurant, je n’avais qu’un jour et demi de congé par semaine, aujourd’hui je peux refuser des repas si j’ai assez travaillé.”
Que demander de plus ? Que ce marché se pérennise et se développe. Il disposera, dans les mois qui viennent, d’un labo pour préparer ces repas, dans la maison qu’il fait construire à Millas. Et il engrange déjà les souvenirs de ces soirées particulières, à chaque fois différentes, comme celle donnée il y a quelques semaines, à Ille, dans la maison Estève de Bosch, chez de fidèles clients de son ancien restaurant.

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