Coop Roussillon à Millas : première année 100 % bio [par Yann Kerveno]
Certaines décisions font date, sont même souvent difficiles à concevoir, exigent des sacrifices… C’est un peu le cas de celle prise par les administrateurs de la coopérative fruitière Roussillon, plus connue sous son nom commercial Latour.
Installée à Millas, la coopérative a choisi de se consacrer uniquement à l’agriculture biologique et termine sa première campagne 100 % bio… L’origine de cette conversion radicale tient dans la décision de quelques producteurs, Philippe Laville, le président de la coop en tête, de planter quelques surfaces d’abricots en bio. “Après, nous avons essayé de convaincre les autres, ceux qui restaient en traditionnel, nous avons insufflé une petite dynamique bio parmi nos adhérents et tout s’est organisé en fonction des envies de chacun. Ceux qui ont accepté de passer en bio, avec notre aide, sont restés, les autres sont partis vers d’autres coopératives. Mais de l’autre côté, notre projet a aussi attiré des producteurs bio qui apportaient ailleurs” explique-t-il. En avouant quand même que les choses, c’est un euphémisme, n’ont pas forcément été aisées.
Petits lots
Si les producteurs ont dû s’adapter, l’outil aussi a dû être modifié. “Le matériel de notre station est neuf mais il est un peu surcalibré pour nos volumes. Contrairement au conventionnel, les expéditions se font par petits volumes, une tonne ici, deux tonnes là” précise le président. “Mais comme ça, nous avons de la marge, nous pouvons tripler notre production” ajoute-t-il en souriant. Pour autant, l’ambition de la coopérative n’est pas de faire du volume pour faire du volume. “Si nous pouvons progresser de 10 % par an, nous sommes satisfaits, parce qu’il y a de la demande de la part de nos clients” précise le directeur, Jean-François Cottin. La volonté a aussi été de rester uniquement sur le marché français. “Pour deux raisons : parce qu’il nous faudrait des volumes plus importants et qu’en plus, il faudrait que nous arrivions à être mieux placés que la concurrence des autres pays en termes de prix ce qui n’est pas forcément évident…”
Kaki pomme et clémentine
Pour cette première année 100 % bio, la coop Roussillon compte 23 sociétaires apporteurs, en bio ou en conversion, “mais nos volumes sont déjà à plus de 98 % certifiés…” À cause de la météo, la production fut limitée en volume cette année, la commercialisation a atteint environ 3 000 tonnes en pêches et nectarines, abricots et cerises, et pour la partie maraîchage, les volumes doivent atteindre 600 à 700 tonnes.
Côté clientèle, la coopérative a fait tomber dans son escarcelle les réseaux spécialisés dans la vente de produits bio, les grandes surfaces spécialisées, de Biocoop à Naturalia, en passant par La Vie Claire ainsi que les grossistes. Sans oublier la grande distribution traditionnelle qui porte aux produits bio un intérêt grandissant. “Nous allons même aller plus loin en devenant sociétaire de la coopérative Biocoop. Cela nous garantira un accès plus facile aux magasins et permettra surtout des discussions permanentes avec le distributeur” explique Philippe Laville. Pour compléter la gamme et faire tourner les outils, la coop Roussillon s’est donc aussi penchée sur la diversification depuis plusieurs années. Dans les fruits, l’expérience menée avec le kaki pomme non astringent arrive à maturité avec près d’une dizaine d’hectares plantés. Non loin de la coopérative, ce sont des vergers de clémentines qui ont été plantés, 5 hectares en 2020, tandis que d’autres fruits ont déjà fait leur entrée, sur de petits volumes, la figue, la poire, la pomme…
Choux, pastèques…
Des diversifications sont également en cours dans le domaine du maraîchage pour compléter la saison. “Certains de nos arboriculteurs ont développé des surfaces de maraîchage bio et nous avons aussi une filiale, Les maraîchers bios du Roussillon, qui, outre 4 hectares de vergers, dispose d’une grosse dizaine d’hectares de maraîchage de plein champs” poursuit Philippe Laville. Hectares sur lesquels sont produits principalement des choux. “Nous avons déjà des brocolis, des choux-raves et du fenouil et nous menons des expérimentations sur le chou romanesco ou le chou lisse.” La coopérative produit aussi de la pastèque en plein champ pour la vente en frais, de l’aubergine et des courgettes pour l’industrie. “La concurrence européenne est trop importante pour aller sur le marché du frais avec ces deux espèces.”
D’autres diversifications sont-elles à l’ordre du jour ? “Non, pas pour le moment. Le kaki pomme, les clémentines, ce sont des espèces sur lesquelles nous n’avons pas de recul. Ce n’est pas comme la pêche, que nous connaissons par cœur, même quand il s’agit de passer en bio.” Et pour l’avenir ? “Nous voulons déjà ancrer de nouveau notre marque commerciale « Latour » dans le paysage et nous sommes ouverts à l’accueil de nouveaux producteurs, nous avons d’ailleurs déjà des apporteurs non adhérents qui livrent chez nous. Nous allons organiser une journée portes ouvertes à destination des intéressés à la fin de l’année !” Avis aux candidats !