Cabanisation : un obstacle au développement agricole et à la lutte contre les incendies ! [par Thierry Masdéu]

Après l’effrayant incendie du 14 août dernier qui a encerclé la commune de Saint-André, le maire, Samuel Moli, repart pour la énième fois au pas de charge… Avec, cette fois-ci, une nouvelle lettre pour intimer les propriétaires à céder aux agriculteurs leurs parcelles en friches.

L’enquête qui suit son cours n’a toujours pas défini l’origine accidentelle ou volontaire de cet incendie, attisé par une végétation très asséchée et un vent violent. Du Sud au Nord et d’Est en Ouest, ce village déplore près de 500 hectares calcinés, douze habitations totalement incendiées, dont une de type “cabanisation”. Sans compter la perte pour certains entrepreneurs de la totalité de leurs outils de production, tout comme des agriculteurs qui ont également perdu une majeure partie de leurs récoltes. Un lourd bilan que le premier magistrat compte bien mettre à profit, pour éveiller les consciences.

Samuel Moli, maire de Saint-André, indiquant les parcelles agricoles inexploitées
au Sud de la commune qui ont été touchées par l’incendie du 14 août 2023.

“Nous avions déjà mis en garde, en avril dernier, par courrier, les propriétaires des parcelles en friches, de ce risque prévisible, afin qu’ils accomplissent leurs obligations de débroussaillage” tient à rappeler le maire. “Malheureusement, tous ne se sont pas exécutés et, combiné avec la sècheresse, cela a représenté un facteur aggravant pour lutter contre les flammes !” Excédé par le manquement de civisme de certains ou l’ignorance pour d’autres, Samuel Moli a entrepris un nouveau listage de l’ensemble des parcelles en friches avec une nouvelle vérification des noms des propriétaires. “L’objectif est à nouveau de les informer sur leurs obligations et mesures préventives qui leur incombent, mais également de leur rappeler que leurs parcelles sont classées agricoles et ne seront jamais constructibles. Dans les prochains mois, ce classement sera renforcé avec le PAEN, le périmètre de protection renforcée des espaces agricoles et naturels, et ces parcelles ne peuvent en aucun cas avoir d’autres vocations ni être considérées comme terrains de loisirs !”

“Augmenter les taxes sur les parcelles agricoles non exploitées”

Une salve de pas moins de 500 courriers, adressés aux détenteurs des terrains inexploités, est en cours d’acheminement avec incitation explicite à céder les parcelles aux agriculteurs qui, “constituent le meilleur pare-feu” (voir encadré). Message primordial pour le maire qui ne souhaite plus revivre un tel évènement et veut éviter que les prochaines ventes de ces parcelles finissent à usage de cabanisation*. Des implantations ou constructions illicites de caravanes ou baraques qui sont également un handicap dans la gestion de la lutte contre les incendies. “Forcément, cela représente une contrainte, parce que les soldats du feu ont pour mission, et c’est normal, qu’il n’y ait déjà aucune victime, et fort heureusement cela a été le cas !” évoque avec soulagement le premier magistrat. “Mais leur objectif a aussi été de protéger toutes les maisons, qu’elles soient de types cabanisées ou pas, du coup, cela a demandé un boulot monstrueux pour les sapeurs-pompiers !”

Extraits de la lettre du maire de Saint-André adressée aux détenteurs de parcelles en friches ou inexploitées

“… Si vous n’êtes pas agriculteur ou n’avez pas de projet agricole à court terme, nous vous demandons de céder cette parcelle. Nous pouvons vous mettre en relation avec des agriculteurs. La mise en culture et l’action de ces derniers constituent le meilleur pare-feu. Des projets d’agropastoralisme, de plantation de fruits à coque, d’oliveraie et de vigne sont en attente de foncier. Le prix qui vous sera proposé sera celui du terrain agricole. Vous pouvez aussi procéder à une mise à disposition gratuite. Enfin, dans le cas où aucun agriculteur ne souhaiterait vous acheter cette parcelle, la commune pourrait par la suite la mettre à disposition d’un projet à vocation agricole. La cession de votre parcelle aiderait la filière agricole en souffrance sur notre territoire…”

Une cabanisation à laquelle sont confrontées de nombreuses communes du département (voir encadré) et Saint-André la qualifie également d’obstacle au développement agricole. “Notre commune a vraiment cette volonté de réinsérer les agriculteurs, de les aider et de faire en sorte que Saint-André redevienne un village agricole !” martèle avec conviction le maire qui cherche par tous les moyens à récupérer les parcelles en friches. “Systématiquement, on préempte dès qu’il y a une vente de terrain agricole et dernièrement, j’ai même adressé à la Première ministre un courrier en lui suggérant que la taxe foncière de ces parcelles agricoles inexploitées soit multipliée par décision du conseil municipal !” Un levier fiscal que le premier magistrat appelle de tous ses vœux pour lutter contre ce qu’il dénonce comme étant les “friches spéculatives”. “Si l’on pouvait passer des 20 € actuels de taxes à 2 000 € ou 5 000 €, là ça ne serait plus pareil ! Il faut que l’on arrive à faire taper l’impôt dessus pour stopper cette spéculation !” Si, pour l’heure, Samuel Moli n’a pas eu de réponse directe d’Élisabeth Borne sur cette option de dissuasion fiscale, il a été informé que sa lettre a été transmise à Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires… 

État de la cabanisation dans les P.-O. (source préfecture)

La cabanisation touche surtout l’arc méditerranéen où le climat est plus propice aux installations précaires sans chauffage et où le découpage des terres agricoles en petites parcelles permet d’acheter facilement des terrains non constructibles. Environ 60 nouveaux procès-verbaux d’infractions pour des faits de cabanisation remontent à la DDTM66 chaque année.
Annuellement, entre 25 et 30 dossiers sont jugés : plus de 90 % font l’objet d’une condamnation pénale. Les délais sont variables selon la complexité des situations et des appels éventuels faits par les personnes concernées. Les faits sont prescrits au bout de 6 ans (3 ans jusqu’en 2017), mais certains actes de procédures interrompent le délai et permettent donc d’aller au bout des procédures même en cas de jugement en appel. Quand les décisions de justice sont rendues mais que les personnes condamnées se refusent à exécuter la condamnation, alors l’État se substitue à elles et fait démolir les constructions. La facture reprenant les frais engagés par l’État est ensuite répercutée sur les personnes qui doivent donc payer cette exécution d’office.
Le préfet des P.-O. a passé consigne de mener rapidement ces destructions d’office dont plusieurs ont été menées à leur terme ces derniers mois (Pia, Canohès, Montesquieu des Albères, Elne, Rivesaltes). D’autres opérations sont programmées dans les prochains mois. 

 

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