Aides sécheresse : Bonet, Vila, Hylari reçus rue de Varenne [par Yann Kerveno]

Les Pyrénées-Orientales sont montées à Paris lundi 9 octobre pour rencontrer le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau. Et la table de travail était bien encombrée, même si aucun chiffre n’a encore été avancé.

Ils étaient trois, Fabienne Bonet, présidente de la Chambre d’agriculture, Bruno Vila, président de la FDSEA 66 et Pierre Hylari, président des Jeunes Agriculteurs à venir porter doléances et s’enquérir des promesses faites au printemps dernier par le ministre de l’Agriculture. Que ressort-il de ce rendez-vous, alors que les pertes, toutes filières confondues, sont évaluées à 200 M € pour le département ?
Pour la viticulture, la partie n’est pas simple. Difficile, en effet, intellectuellement de mettre de l’argent la même année sur la distillation d’un côté et les pertes de récoltes de l’autre. Il y aura donc une aide mais elle ne sera pas prise sur les fonds de crises européens, 53 M €, accordés à la France dont 40 ont déjà été ajoutés à l’enveloppe distillation. “Nous avons expliqué qu’à 20 hectolitres à l’hectare, comme cette année, la vendange ne couvre pas les frais engagés par les vignerons Et que le risque, si rien n’est fait, ce sont l’abandon du territoire et les friches” détaille Pierre Hylari.
“Nous avons plaidé qu’il fallait autre chose que ce que nous avons déjà obtenu avec l’enveloppe MSA et le dégrèvement du foncier non bâti. L’idée serait, avec l’Aude, l’Hérault et le Gard qui ont aussi perdu des volumes, de travailler à une aide à l’hectare. Nous devons maintenant continuer d’échanger avec le cabinet du ministre pour préparer le dispositif” détaille pour sa part Fabienne Bonet.

Rétropédalage

Pour autant, cette aide serait soumise au règlement de minimis qui encadre les aides aux entreprises et ne pourra être calculée qu’après la clôture des déclarations de récolte le 15 décembre prochain. En arbo et maraîchage, l’aide proviendra de l’enveloppe européenne sur la base d’un forfait à l’hectare qui sera décompté de l’indemnisation de solidarité nationale. “La non décote était une promesse du ministre lors de sa venue mais, depuis, le ministère a rétropédalé sur le sujet” regrette Pierre Hylari. “Nous ne pouvons pas faire d’annonces mais cela va arriver rapidement” ajoute pour sa part la présidente de la Chambre d’agriculture qui précise que seront pris en compte les fruits à noyaux et les fruits à pépins.

Pour l’élevage, c’est le casse-tête (lire également ci-dessous). “Nous avons apporté les dossiers des éleveurs de basse Cerdagne qui prouvent les dysfonctionnements des systèmes de mesures utilisés par les assurances. Marc Fesneau nous a écoutés et nous avons demandé à avoir des explications précises sur les méthodes employées et de ne pas attendre la fin de la saison, c’est-à-dire la jauge de novembre qui sera connue en décembre pour faire une évaluation précise.”

Décapitalisation

Le ministre a aussi été alerté sur le risque systémique d’une éventuelle décapitalisation qui ferait passer les éleveurs sous les limites de charges à l’hectare qui les rendent éligibles à la PAC. “Il n’est pas possible de déroger à l’échelle du département, mais Marc Fesneau nous a précisé que cela serait traité au cas par cas par la Direction départementale des territoires et de la mer.”
Tout comme fut évoquée la question de l’aide au transport du fourrage cet hiver. Si la Région est prête à mettre 300 000 euros sur la table, les besoins sont estimés à 2 M € pour les éleveurs du département. Enfin, la délégation a eu confirmation de la mise en place et du débarquement imminent de la mission interministérielle annoncée pour avancer sur les dossiers structurels cruciaux liés à la question de l’eau pour le département : la fragilité des ASA, le stockage de l’eau, la réutilisation des eaux de stations, le maillage, la recharge des nappes…


Assurances : cette jauge qui déjauge

Les éleveurs de Basse-Cerdagne ont saisi le médiateur des assurances.
S’il y a bien un truc pour se prendre la tête, la situation des éleveurs de basse Cerdagne rentre clairement dans cette catégorie. Une délégation de la trentaine d’éleveurs concernés s’est rendue au Crédit Agricole d’Ur la semaine passée pour plaider, une fois de plus, l’absurdité du système. Avec une jauge qui sert d’étalon aux assureurs capable de voir que l’herbe a poussé en basse Cerdagne alors que l’étude de la Chambre d’agriculture, sur le terrain, montre des pertes de récolte de fourrages de l’ordre de 80 %. Comment est-ce possible ? “Parce que le système n’est pas assez précis” ont expliqué les éleveurs, Christian Tallant, Bruno Marty et Bruno Majoral en tête. Ils ont ensuite pointé du doigt les incohérences… La première, c’est que la fameuse jauge de pousse de l’herbe est la même pour Sainte-Léocadie, là où les pertes atteignent 80 %, et Latour de Carol où la majeure partie des prairies est à l’irrigation. La deuxième, c’est que Groupama et Pacifica n’ont pas les mêmes analyses alors qu’ils utilisent les mêmes outils, les données Airbus… À force de réfléchir pour comprendre le pourquoi du comment, plusieurs hypothèses émergent.

La prise en compte de la pousse de l’herbe sur la base de petites régions au lieu de la commune qui pourrait grandement fausser les résultats en mixant des zones où l’herbe a poussé et d’autres où elle est restée au ras des pâquerettes. La prise en compte des surfaces d’estives, où l’herbe a poussé, contrairement au plateau cerdan, pourrait aussi venir modifier les données. “Comment est-ce possible alors que nous avons signé des contrats à la commune” demandait Christian Tallant ?

Décapitalisation

Derrière, c’est un peu le jeu de la patate chaude. Les assureurs renvoient aux règles et au cahier des charges élaboré par l’État pour la réforme de l’assurance. L’État semble considérer que le système, qui fonctionne depuis une dizaine d’années, ne pose pas de problème. Or, Airbus voit de l’herbe là où il n’y en a pas eu… Si la réunion est restée cordiale mais ferme, Christian Tallant résumait la situation : “Les bêtes vont descendre d’estives dans quelques jours et on n’a rien à leur donner à manger, donc il faudra qu’on décapitalise. Si je dois m’en tenir à ce que je peux nourrir cette année, je casse mes 250 vaches pour ne garder que les moutons. Et avec les vaches, c’est aussi la PAC qui s’en va. Vous avez tout intérêt à nous aider à trouver une solution.” Le collectif des éleveurs a officiellement saisi le médiateur des assurances et la question a été abordée à Paris lundi dernier (lire ci-dessus).

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