Apiculteurs des P.-O. : la reconnaissance de calamité agricole se fait attendre ! [par Thierry Masdéu]
Si la sécheresse impacte tous les secteurs d’activités agricoles, il en est un, discret par ses volumes de production, mais indispensable par ce qu’il induit, qui accuse une inquiétante phase de déperdition.
C’est le constat alarmant que lance l’Union syndicale apicole du Roussillon (USAR) après une récolte de miel et une perte d’essaims catastrophique en 2022 qui s’annoncerait également chaotique pour 2023. Si l’enquête préliminaire n’a pas encore dévoilé l’ensemble de ses chiffres pour l’année en cours, 2022 affiche, rien qu’en mortalité d’essaims, une moyenne proche des 39 %. À noter que, pour les cas les plus extrêmes, cette perte de fonds représente jusqu’à 73 % et 100 %. Le manque de pluies, qui a réduit considérablement les ressources nectarifères et pollinifères pour les abeilles, place en situation très délicate les exploitations apicoles du département.
D’autant que sur les faibles récoltes de miel produites en 2022, de 3 à 5 kg par ruche au lieu des 18 kg habituels, le service de la Direction départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) refuse de prendre en compte leurs demandes d’indemnités de calamité agricole. Motif évoqué : un hors-délai dans le dépôt des dossiers. Une fin de non recevoir que contestent énergiquement, preuves à l’appui, André Huguet et Valérie Brochard, respectivement trésorier et assistante de gestion de l’USAR. “La date butoir fixée par la DDTM était celle du 20 mai 2023 et nous les avons déposés le 17 mai !” clame avec stupeur l’assistante de gestion.
Une lacune de l’État
“C’est un couac administratif !” rétorque le trésorier apiculteur, qui a déploré sur l’année dernière la perte de 400 essaims sur 550, précisant que “C’est une lacune des services de l’État qui n’ont pas fait les démarches habituelles. Aussi nous avons remis l’ensemble de tous les éléments qui attestent de notre bonne foi à l’avocat de l’Union nationale de l’apiculture française pour engager une procédure en justice !” Parer à l’urgence, une action de défense que justifie l’USAR pour maintenir les apiculteurs hors de l’eau en les aidant à être éligibles aux indemnités de calamité agricole et aux pertes de fonds pour l’année 2022, mais également pour l’année en cours.
“Beaucoup ont réinvesti en 2023 en pensant qu’on allait les indemniser pour 2022 !” souligne Valérie Brochard “Mais là, s’ils ne perçoivent aucune indemnisation et, en 2023, c’est bis repetita. C’est terminé, ils vont arrêter leurs exploitations !” renchérit André Huguet, avertissant que si ces conditions deviennent trop répétitives, l’apiculture professionnelle dans le département sera très vite en voie de disparition. “Tout le monde s’accorde à dire, des élus aux particuliers, que l’abeille est indispensable pour la nature et que nous exerçons un très beau métier. Mais je rajouterais qu’actuellement, s’il y a encore des abeilles pour polliniser, c’est parce qu’il y a des apiculteurs, les abeilles sauvages ont disparu ! Celles que l’on pouvait observer au creux d’un tronc d’arbre ou sous une roche, c’est fini il n’y en a pratiquement plus ! Alors si les apiculteurs disparaissent, les abeilles domestiques finiront aussi par disparaître, tout est lié !”
Assureurs réticents
Une mise en garde sérieuse que brandit l’apiculteur en relatant une autre contrainte qui menace l’accès de la profession aux éventuelles futures indemnisations. Il s’agit de la nouvelle loi du 2 mars 2022 relative au nouveau dispositif de gestion des risques. “Cette nouvelle réforme oblige les agriculteurs, donc les apiculteurs, à souscrire une assurance privée pour bénéficier, en cas de calamités, d’indemnisations. Oui, mais voilà, nous avons contacté cette année toutes les assurances privées et elles refusent d’assurer nos pertes de récoltes, donnant comme argument qu’elles ne sont pas quantifiables ! Donc finalement, on aurait droit qu’au strict minimum, c’est tout !”(voir encadré). Une bataille supplémentaire qui sera également menée au plan national avec des demandes spécifiques en fonction des zones géographiques de production des miels. Entre la lutte qui continue contre le frelon asiatique, les coûts du nourrissement des abeilles, de l’achat d’essaims, ou encore du carburant pour les transhumances, l’apiculture des P.-O. continue, (malgré tout, mais jusqu’à quand ?) de promouvoir avec passion la diversité qualitative de ses nombreuses variétés de miels de fleurs sauvages…
Calculs de l’indemnité pour les apiculteurs non assurés• Il sera pris en compte les cinq dernières années de miellées. |